Le Bovaryism

The following is a rough, OCR rendition of the original French essay Le bovarysme, la psychologie dans l’oeuvre de Flaubert, by J. de Gaultier.

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DANS une étude, publiée en 1876, par la Revue des Deux-Mondes, M. Montégut a le premier signalé la portée psychologique et morale de l’ceuvre de Flaubert; après lui M. P. Bourget, séduit par ce même point de vue de vérité humaine, a consacré à le mettre en relief, à le dégager des romans du maître, quelques-unes de ses pages les plus belles et les plus pénétrantes. Peut-être n’est-il pas inutile, avant d’entreprendre une tache analogue, de rappeler les rôles et les soins divers qui incombent à l’écrivain, faisant oeuvre d’artiste et au critique faisant fonction de ‘psychologue : aussi bien, cet acharnement des critiques à extraire des productions d’art la philosophie qu’elles renferment pourrait-il donner à penser que l’écrivain s’est assigné le but de rendre saillante dans son -oeuvre une opinion, une théorie, une idée morale ou philosophique? Aucune préoccupation ne fut, on le sait, plus éloignée de l’es-prit de Flaubert et plus étrangère à l’idée qu’il se formait de la tache d’un romancier. Partisan absolu de l’autonomie de l’art et de l’impersonnalité de l’auteur en matière d’opinion, il attachait une importance extrême et prépondérante au métier littéraire en lui-même, à la perfection de la forme, et il traçait une ligne de démarcation absolue entre la morale et l’honnéteté, la science et l’enseignement, qu’il tenait po_u choses pensables au maintien de l’ordre établi, et l’art littéraire qui

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est une chose autre, entièrement distincte, ayant pour objet de reproduire, au moyen du mot et de la phrase, tout ce qui dans le inonde visible ou dans le monde des sentiments et des idées a une valeur de représentation. Ce n’est pas en atténuant la rigueur de ces principes, mais en les acceptant, du contraire, dans leur sens le plus strict, qu’il est possible d’expliquer comment le pur amour de la forme et l’absence voulue de toute opinion chez l’artiste, peuvent produire et produisent seuls des oeuvres suggestives pour l’esprit critique d’opinions morales et d’aperçus psychologiques tout neufs. Il suffit pour cela de considérer la genèse de toute opinion : de quelque nature soit-elle, elle suppose l’existence de trois facteurs : des faits de l’ordre physique ou moral, un intellect qui les perçoit, un jugement qui les compare, en déduit une opinion. Ce jugement qui suppose l’examen préalable des faits et leur perception, est l’oeuvre du moraliste, tandis que la perception de ces faits est plus spécialement l’oeuvre de l’ar-tiste dont le rôle consiste selon une définition de M. A. Daudet « à voir et à faire voir ». Or, cet acte de perception, cet acte de vision, qu’il s’applique aux objets extérieurs ou aux faits de conscience, est infiniment rare ; aussi rare que l’opinion est. banale. Facilement transmissible comme un héritage, celle-ci est une monnaie courante, que chacun se passe de main en main; elle est un résumé, l’essence et comme une sorte d’algèbre immuable et portative des réalités ; elle dispense l’homme de voir et de connaître les choses en elles-mêmes; aussi a-t-il la passion de juger, d’émettre des opinions ; cet emploi de son esprit flatte à la fois son amour-propre et favorise sa paresse; il exerce une souveraineté, il l’exerce sans sortir de lui-même, sans l’effort fatigant de cet acte visuel, dont la faculté peu à peu s’atrophie en lui ; s’il l’accomplit, ce n’est plus qu’au travers des opinions déjà acquises, guidé par elles, et comme celles- ci ne sont que la représentation de certains faits, découverts par une vision antérieure, — semblables à de grandes routes soi-gneusement entretenues, qui ne desservent que des villes et des villages bien connus, — elles ne longent et cotoient que ces (+ne:mes phénomènes déjà notés, de sorte qu’aucun élément nouveau ne peut se dégager de ce facile examen à travers une région entièrement explorée du domaine de la connaissance.

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L’artiste littéraire, en raison de l’impersonnalité prescrite par Flaubert, en raison de l’absence de toute opinion préalable, échappe au danger de recommencer à nouveau un travail déjà fait ; il regarde simplement les choses de la vie et s’il possède ce don de vision qui le sacre artiste, cette vision pure et simple découvre et met en relief des faces de la réalité encore ignorées ; ses facultés de perception, seules en éveil, procèdent avec la sûreté infaillible d’un instinct ; semblable à un bon chien de chasse, qui ne s’en rapporte qu’à son flair, il se laisse avec confiance diriger par elles et fait lever, devant l’esprit attentif du philosophe, des vols d’idées tapies jusque-là sous de menus faits encore inobservés. Or, le propre de tout instinct est de faire une sélection parmi les êtres, les objets auxquels il s’applique et de choisir parmi ceux-ci des spécimens unis par des rapports communs. C’est ainsi que les abeilles, en visitant de préférence parmi les fleurs certaines espèces dont elles extraient les sucs élé-mentaires du miel, signalent à l’attention du naturaliste, des particularités inhérentes à chacune de ces espèces, des simi-litudes entre elles et l’existence d’un lien naturel qui les rap-proche et les range dans un groupe déterminé ; en vertu du principe de corrélation, cette commune particularité qui les rend propres à fournir la matière première du miel, accom-pagne entre elles d’autres ressemblances, entraîne d’autres propriétés, qui, pour n’intéresser point l’instinct des abeilles, n’en sont pas moins pour les botanistes, l’occasion de pré-cieuses constatations et de fécondes déductions. De même et par le fait qu’elle est instinctive et non raison-née la vision de l’artiste n’est pas arbitraire : régie par son tempérament qui détermine la forme de ses perceptions, lui impose le choix de ses sujets et fixe son attention sur une moine face des choses commune aux objets les plus variés, elle fait émerger de l’ombre, en les marquant d’un point lumineux, certains faits de la nature humaine, certaines habitudes de la pensée, certaines manifestations de l’activité ; elle trace ainsi une piste sûre que l’esprit investigateur du philosophe suit aisément et au bout de laquelle il trouve une idée,,générale enchaînant par un lien logique ces faits épars. S’il faut admettre avec les penseurs les plus modernes, avec

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Flaubert lui-même, que la réalité est un vain mot, que les choses n’existent pas en elles-mêmes, que tout n’est qu’une illusion et qu’il n’y a de vrai que les rapports, c’est-à•dire la façon dont nous percevons les objets, le rôle de l’artiste consi-déré comme voyant n’est pas amoindri ou modifié par cette conception. Insoucieux des rapports déjà établis, qui dans cette théorie représentent les opinions acquises, il se met en communication directe avec les êtres et les choses, laisse filtrer la vie au tra-vers de son tempérament et recueillant l’impression qu’il en reçoit, la transporte dans son oeuvre; elle est son point de con-tact avec les objets de son observation et l’oeuvre ne vaut que par la qualité de cette impression ressentie, de sorte que l’im-personnalité en matière d’opinion a pour contre-partie une personnalité puissante et originale du tempérament de la vision de l’artiste. Dans cette hypothèse encore, le psychologue n’a qu’a se pencher sans effort sur l’oeuvre de l’écrivain pour y dé-couvrir ce rapport nouveau qui vient de s’établir entre les choses et une intelligence humaine ; il n’a qu’à formuler ce rapport pour en déduire une opinion nouvelle, philosophique ou morale. La vie en passant au travers de ce filtre, qui est le tempérament de l’auteur, s’est imprégnée d’une saveur spé-ciale qui se retrouve dans l’oeuvre, après s’y être dissoute uni-formément comme une pincée de sel ; cette saveur subtile et persistante guide le goût du critique, lui révèle le secret de l’émotion de l’écrivain et la loi de sa vision. Il résulte de cette rapide analyse que les opinions philoso-phiques ou morales déjà connues ne sont point génératrices d’opinions nouvelles. La philosophie est contenue dans la vie, c’est la vie qu’il faut règarder. L’artiste, le voyant tel que le conçoit Flaubert, remplit cette tâche; il se garde d’émettre des opinions, il n’en a cure ; mais par les faits nouveaux que l’originalité de sa vision met en lumière, son oeuvre est sug-gestive d’opinions dans l’esprit du psychologue. C’est là une des conséquences du principe d’adaptation des buts particuliers à des buts plus généraux ou simplement étrangers aux fins que se proposait l’effort individuel. Les abeilles non plus, lorsqu’elles distillent le suc des fleurs et l’entassent dans leurs rayons de cire, ne se soucient guère du

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goût agréable et des propriétés thérapeutiques que l’homme re-connaîtra au miel. Si l’impersonnalité de l’opinion chez l’écrivain pouvait sem-bler, à première vue, incompatible avec la portée morale accor-dée par les critiques à l’oeuvre de Flaubert, le souci qu’il a de la forme, l’importance qu’il attache au métier littéraire rap-prochés de l’indifférence qu’il affiche pour le sujet traité sem-blent aussi prémunir les amateurs de philosophie contre la tentation de rechercher dans ses romans aucun point de vue gnaieles intéresseXMais là encore, l’objection qui s’élève dans D’esprit n’a qu’une force apparente et un examen quelque peu approfondi de la question suffit pour la faire voir sous un jour différent. Cet amour de la forme hautement proclamé par Flaubert dans sa correspondance, le rattache aux partisans dé-clarés de la théorie de « l’art pour l’art », théorie fort malmenée par quelques critiques utilitaires et qui se borne pourtant à énoncer cette vérité axiomatique à savoir, qu’un artiste doit être un artiste; aussi n’est-il point sans intérêt de tenter une explication et une réhabilitation de cette théorie, en restituant au métier littéraire son importance essentielle et la prépondé—rance qui lui appartient dans la production de l’oeuvre. Tandis que l’impersonnalité de l’opinion répond à la pre-mière partie de la définition du rôle de l’artiste, donnée par M. Daudet, « Voir », l’importance extrême attachée au métier littéraire répond à la seconde exigence de cette définition « faire voir ». Le don de vision n’est que la partie contemplative du rôle de l’artiste; la partie active c’est le dot, d’exécution sans lequel le plus grand voyant reste à l’état de personnage muet. En faisant tenir la définition de l’Art tout entier dans les qua-lités d’exécution, les théoriciens de l’Art pour l’Art n’ont fait en somme qu’extraire de ce concept la qualité essentielle qui suppose toutes les autres ; car, si la vision ne suppose: pas né-cessairement la faculté de faire participer les autres à cette vision, le don de faire voir suppose de toute nécessité une vision préalable. Par le fait de l’exécution, l’ceuvre d’art existe; tout ce qu’il est possible d’accorder, c’est qu’elle varie d’intérêt selon que sa beauté. formelle s’associe à une vision plus ou moins complète et plus ou moins originale de la vie. M. Taine, dans son Histoire de la littérature anglaise, signaie

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certaines périodes artistiques durant lesquelles les ou-vriers littéraires sont uniquement préoccupés de perfectionner l’outil à l’aide duquel ils édifient leur oeuvre, condititn indis-pensable de leur travail, le style. Ils le transforment pour quelque grand ouvrier, qui viendra après eux et qui, recueil-lant le prix de leurs efforts, muni d’un instrument d’une puis-sance et d’une délicatesse parfaites, pétrira en pleine pâte hu-maine des chefs-d’oeuvre inoubliables. Telle fut l’époque de Pope, et telles sont en général les époques de transition : après les enfantements du génie, la pensée humaine semble parfois se reposer ; mais, comme l’instinct de ces oiseaux dépaysés qui, frappés de stérilité, n’en préparent pas moins un nid pour des oeufs qui n’écloront pas, l’intelligence inquiète de quelques artistes continue la tradition et consacre tout son effort à la construction, à la disposition des matériaux précieux qui sont le berceau des oeuvres. Au-dessus de ces utiles artisans, une phase récente de notre littérature nous montre comment le pur- amour de la forme et du métier littéraire, la démangeai-son du style en se combinant avec des facultés de vision fort diverses produisent des oeuvres d’une portée aussi inégale que celles de Saint-Victor, de Théophile Gautier et de Flaubert. Tous trois également et principalement occupés de la perfec-tion de la main-d’œuvre, ont créé ou retrouvé des modes d’ex-pression, des tournures et des allures de phrase. Saint-Victor, de son commerce avec les auteurs anciens, a rapporté des rac-courcis d’image empruntés à Tacite, le tour élégant et précis de la phrase latine, et cette propriété de termes qui colle exac-tement le mot sur son objet, jointe à l’épithète inépuisable et fleurie des poètes grecs. Muni de cette langue merveilleuse et torturé par le besoin de l’appliquer à quelque chose, il ouvre les yeux et ne voit pas la vie ; ce grand virtuose n’était pas un observateur des réalités ambiantes, le monde moral n’intéressait pas davantage sa sensibilité. En quête d’un texte à traduire, il s’adresse à l’histoire : il ne lui demande que des maquettes ; il possède ce qu’il faut pour les transformer en marbres rares, à l’éblouissante blancheur, aux contours délicats et précis, il cherche des motifs de décoration sur lesquels il étendra les tentures souples et brillantes de son style; il exhume des

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squelettes de grands hommes, retrace d’un trait sûr les lignes de leur profil et dissimule sous les- plis habilement drapés de la toge, l’attitude raidie du cadavre. — Gautier a introduit dans le style tous les procédés de la peinture, le sens de la couleur et du relief. Autant que Saint-Victor, il eut la passion de son art et fut un merveilleux exécutant. Mais ce fut en outre un voyant des objets extérieurs. a Critiques et louanges, dit-il, m’abîment et me lotient sans comprendre un mot de mon talent. Toute ma valeur, ils n’ont jamais parlé de cela, c’est que je suis un homme pour qui le monde extérieur existe » (Journal des Goncourt). En effet, il est doué de tolites les qualités qui font le peintre et le sculpteur, et comme au lieu d’avoir sur sa palette des couleurs écrasées, il a au bout de sa plume des mots en quantité inouïe, et d’une richesse, d’une variété incomparables, il transforme hardiment en ces éléments moins matériels la masse pesante des monuments, le tissu et les bigarrures du costume, les beautés sereines de la nature. Il a trouvé ce thème à son talent. S’agit-il de relier entre elles ses descriptions des objets visibles par une intrigue, par la mise en scène de quelques mouvements de l’âme, il fouille dans le vieux répertoire, qui contient un assortiment varié d’accessoires en ce genre : il en rapporte quelques fripe-ries sur l’amour, sur le sentiment filial, sur la jalousie; les ra-pièce, les plaque au bon endroit et ce travail est encore pour lui un prétexte à déployer sa maîtrise, à placer son style. Flaubert aussi est dominé par ce souci d’artisan qui a un outil dans la main et veut s’en servir : il cède à ce penchant vainqueur ‘lorsqu’il écrit des livres tels que Salanzbi5, des nou-velles comme Hérodias ou la légende de Saint Julien l’hospi-talier. Dans la Tentation de saint Antoine, et bien qu’on en puisse dégager l’idée chère au maître de la vanité de tous les systèmes philosophiques et religieux qui se viennent tour à tour contredire et ruiner les uns les autres, ne faut-il pas voir surtout l’exploitation, par l’artiste, d’un nouveau filon, d’une veine nouvelle, celle des idées abstraites qui relèvent, elles aussi, du domaine de son art puisque le mot peut les rendre. N’y sont-elles point traitées ces idées abstraites avec la meule indifférence que s’il s’agissait d’objets du monde extérieur ? N’ont-elles point comme les objets visibles une existence

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propre, une entité ? Elles gouvernent ou ont gouverné des cerveaux humains et, à ce titre, elles ont pour l’artiste en dehors de leur intérêt philosophique une valeur de représen-tation. Sans souci de leur vérité intrinsèque, il les copie parce qu’elles existent et qu’elles sont par là même des motifs de description comme le sont un temple carthaginois ou des lions crucifiés. Lorsque, à l’imitation de Saint-Victor et de Gautier, Flau-bert, comme dans Salambô, demande à l’histoire et au monde des objets visibles, la trame de son oeuvre, le canevas sur lequel il disposera les mots en phrases diversement colorées, il semble qu’il satisfait sa vraie nature. Il épanche dans ses lettres la joie que lui cause ce travail. La présence du modèle vivant ne contraint plus l’artiste consciencieux à suivre scru-puleusement le dessin de ses lignes, à observer le modelé et le relief de sa plastique; l’histoire donne bien quelques rensei-gnements dont il ne faut s’écarter; mais ce sont des indications vagues et incomplètes et pour reconstituer l’ensemble de ce monde disparu, ses moeurs, son costume, ses sentiments, sa religion, la solennité de ses fêtes, l’esprit devra procéder par hypothèses, par tâtonnements et par analogies ; l’imagination sera le principal agent de ce travail : et avec la foi qu’avait Flaubert dans la puissance et dans une sorte de vertu secrète de la phrase et du mot, avec la croyance à l’identité de la forme et du fond, n’était-il point amené à considérer la beauté purement littéraire de son oeuvre comme une garantie de sa vérité et de son exactitude ? Quelle force intime détermina ce pur amoureux de la forme à composer des livres tels que Mme, I3ovary, l’Education sen-timentale, Bouvard et Pécuchet, tout pleins, tout débordants de vérité humaine ? Nulle autre que la passion méme de son métier, le besoin d’écrire, le prurit du style. Mais cette pas-sion est combinée chez lui avec le don de vision des réalités ambiantes, don auquel il ne peut se soustraire et qu’il utilise à alimenter sa consommation littéraire. Or; il n’est pas comme Gautier, un homme pour lequel le inonde visible seul existe ; il est un homme pour qui le inonde visible et aussi le monde moral et psychologique existent. « Il possédait, dit M. Guy de Maupassant, la faculté de pénétrer dans la pensée des autres,

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Et cette pensée des autres agit sur sa sensibilité d’écrivain à la façon dont les objets visibles agissent sur la rétine d’un peintre. Aussi, s’il demande parfois aux lointains de l’histoire le texte à traduire, le plus souvent et malgré lui, les am-biances le sollicitent avec une force irrésistible ; c’est en vain qu’il aspire à se réfugier dans un monde imaginaire où le métier soit moins rude, la réalité l’obsède ; s’il ferme les yeux pour ne pas voir, elle entre en lui par tous ses pores ; il la hait et cette haine aiguise jusqu’au paroxysme cette puissance d’obseri,ation à laquelle il est condamné. Qu’il le veuille ou non, il possède une nature d’une sensibilité, d’une réceptivité inouïes ; les formes et les couleurs, en effleurant son oeil, gra-vent dans son cerveau d’ineffaçables empreintes. Tout le monde moral aussi l’assaille ; les opinions, les idées, les sen-timents, les sensations, les manières de penser des gens qu’il a coudoyés dans la foule, envahissent son âme, heurtent son cerveau comme un brusque et soudain attouchement. Quelque désir qu’il en ait, il ne peut trouver de refuge contre Gan persécution des êtres et des objets réels enchaînant ses yeux et son attention. Et leur choc sur son âme a été si rude, qu’ils sont là toujours renaissants, prêts à réapparaître à la moindre évocation : l’artiste se met à l’ceuvre; ils posent avec obstination devant lui et lui offrent des images d’une netteté si complète qu’il est contraint de les reproduire dans leur inté-grité: car elles se dressent devant son esprit halluciné, impla-cables comme des fantômes, tenaces comme des mendiantes, jusqu’à ce qu’elles soient chassées par le style, jusqu’à ce qu’elles s’évanouissent masquées par la justesse du mot, con-fondues dans l’identité de l’expression, absorbées tout entières dans la substance du terme et de la phrase. « Moi, pauvre bougre, dit-il dans une lettre à George Sand, je suis collé sur la .terre comme par des semelles de plomb. » Contraint .d’ac-cepter cette fatalité de son tempérament, il s’y résigne, se met au labeur et de l’assemblage de ces facultés diverses dont il est doué, naît cette oeuvre merveilleuse, oeuvre d’artiste par excellence, faite pour assouvir la passion de style des plus délicats, et toute entière traversée par une lueur éclatante et uniforme, illuminant les tréfonds inexplorés de l’âme humaine. Seule, la démangeaison du style lui a mis la plume en main, le

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souci de faire parler les mots et chanter les phrases : ce souci dominateur et son indifférence pour toute autre considération, font obstacle à ce qu’il altère par un travail de raisonnement antérieur, la sincérité du rapport qui s’établit entre lui et les choses: uniquement préoccupé de ce travail d’art, qui consiste, étant donnés un être ou un objet réels, à découvrir parmi tous les vocables, celui qui dans le monde des mots en est la valeur équivalente, à tracer telle sinuosité, telle ondulation de la phrase qui rendra dans sa totalité et dans sa vérité l’impres-sion sur son esprit de cet être ou de cet objet, il nous donne, selon le mot de Zola, une représentation de la vie à travers son tempérament; de telle sorte que la prédilection de l’artiste pour la partie technique et purement formelle de son oeuvre, est garante de l’intégrité du rapport existant entre le voyant et les réalités.
Il
Ces considérations nécessaires pour sauvegarder l’intention purement artiste des romans de Flaubert, expliquent l’intérêt considérable qu’ils offrent pourtant aux investigations des psychologues et les commentaires dont ils ont déjà fourni le texte. Il serait téméraire, sans doute, de revenir sur un sujet déjà traité par des plumes aussi autorisées que celles de M. Mon-tégut, de M. Zola, de M. Brunetière et de M. P. Bourget, si depuis les études consacrées par eux à l’oeuvre de Flaubert, des faits nouveaux *ne s’étaient produits, justifiant cette ten-tative par les documents complémentaires qu’ils ont fournis à la critique. Ces faits sont la publication du Journal des Goncourt et celle de la Correspondance générale du maître, le Journal contenant sur la physionomie morale de Flaubert, sur .les habitudes et les tendances de son esprit d’intéressantes indi-cations, les lettres révélant l’intime concordafice qUi existe entre l’oeuvre et la sensibilité de l’écrivain, manifestant ses préférences artistiques, ses opinions philosophiques et cette puissante personnalité qu’il cachait avec tant de soin dans ses romans sous l’impassibilité de la forme. Ces éléments nouveaux

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donnent une notion plus complète du mode de vision à travers lequel il percevait les réalités, et à mesure que cette vision est mieux connue, elle semble s’élargir, embrasser un ensemble de faits plus nombreux, pénétrer jusqu’à des régions plus profondes de l’âme, mettre à nu des ressorts plus intimes, dévoiler des Mobiles plus élémentaires du coeur humain. M. Montégut a constaté que l’apparition de Madame Bova,y a « mis fin à certaines influences longtemps souveraines », qu’elle a été « en toute réalité pour le faux idéal mis à la mode par récole romantique et pour la dangereuse sentimentalité qui en était la conséquence, ce que Don Quichotte a été pour la manie chevaleresque trop longtemps prolongée de l’Espagne, ou encore, ce que les Précieuses ridicules ou les Femmes savantes’de Molière ont été pour l’influence de l’Hôtel de Ram-bouillet’ ». « De même que Cervantès a porté le coup de la mort à la manie chevaleresque avec les armes mêmes de la ” chevalerie, c’est avec les procédés mêmes de l’école roman-tique que G. Flaubert a ruiné le faux idéal *mis à la mode par • elle, c’est avec les ressources mêmes de l’imagination qu’il a peint les vices et les erreurs de l’imagination. » Malgré la justesse de ces assertions, il y a autre chose dans Madame Bovary qu’une caricature du romantisme, qu’une protestation plastique contre l’idéalisation du vice; la vision de l’écrivain a fait saillir. dans son oeuvre un principe indestructible et foncier del’âme humaine et l’a mis à nu dans ses manifestations . malsaines, auxquelles n’a pas mis fin l’apparition de Madame Bovaiy parce qu’il y a des maladies dont les causes profondes persistent irrémédiablement bien qu’elles soient signalées et connues. Ce principe funeste, M. Bourget l’a dénommé le mal de la Pensée, de « la Pensée qui précède l’expérience au lied’ de s’y assujettir, le mal d’avoir connu l’image de la réalité avant la réalité, l’image des sensations et des sentiments avant les sensations et les sentiment.. ». Un tel état d’âme crée une disproportion et cette disproportion qui fait souf-frir les personnages de Flaubert, « provient toujours et par-.tout me ce qu’ils se sont façonné une idée par avance des sentiments .qu’ils éprouveront. C’est à cette idée d’avant la vie que les circonstances d’abord, puis eux-mêmes font banque-route. » Il était difficile de formuler avec plus de profondeur

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et de netteté le cas morbide duquel relèvent tous les person-nages de Flaubert. Ne semble-t-il pas, en effet, que la vision du maître ait décomposé l’âme humaine en deux parts ? Dans l’une, on trouverait à l’analyse les tendances et les goûts réels qu’imposent à l’individu la qualité de son tempérament, la composition de son sang, la tension et la délicatesse de son système nerveux, les connaissances que lui permet d’acquérir la structure propre de son cerveau, les impressions qu’il reçoit directement des choses en raison de la nature de sa sensibilité; — dans l’autre, toutes les idées que lui donnent de ces mêmes choses l’éducation spéciale qu’il a reçue, sa faculté d’imaginer et toutes les causes productrices d’images dont il a subi l’in-fluence. Dans l’état de parfaite santé morale, ces deux parties de l’âme se font équilibre ; les connaissances qu’elles apportent se complètent les unes les autres, et la faculté d’imaginer, d’admettre par l’éducation des idées et des notions non obte-nues directement par une expérience et par un labeur per-sonnels, mais léguées par les générations précédentes comme le résumé de leur effort, cette faculté vient en aide, s’ajoute aux dons d’observation directe et contribue à les dévelop-per. C’est elle qui fait de l’homme un être susceptible.de civilisation, c’est-à-dire doué du privilège de faire profiter ses descendants des connaissances scientifiques et morales acquises pendant son passage à travers la vie. Aux époques primitives de l’humanité, ce bagage transmis par une génération à celle qui la suit est si mince, que les nouveaux venus sont à tout instant tenus d’avoir recours à leurs perceptions, de n’admettre entre eux et les réalités aucun intermédiaire, les notions qu’on leur a laissées sont si voisines encore des pures sensations qu’it.tout instant ils refont et recommencent le travail d’abs-traction accompli déjà par leurs ancêtres ; les idées morales dont ils ont hérité sur le bien et le mal, sur le devoir,..sur, l’honneur, sont encore si proches de l’instinct qu’elles se con-fondent avec lui, qu’elles l’évoquent et qu’il‘ est toujours prêt à protester par le seul fait de son énergie contre toute. altéra-tion qu’elles auraient pu subir. Mais )peu à peu, la civilisation se développe et en même temps les termes, du rapport se modifient ; le cercle des connaissances acquises s’élargit chaque jour et l’intelligence humaine se trouve en présence d’un si

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grand nombre de questions posées et résolues qu’elle ne peut les vérifier tonies : elle en est réduite sur presque tous les sujets à accepter comme bonnes, sans contrôle préalable, les solutions qu’on lui propose, à ne considérer que les résultats sans s’inquiéter des voies et moyens par leàquels ils ont été obtenus, à s’attacher aux opinions sans bien connaître les faits sur lesquels elles s’appuient. Alors tous les sentiments naturels sont représentés par une conception générale ayant cours, ayant force de loi ; il y a une conception de l’amour, il y a mie conception de la vertu, il y en a une de l’hon-neur et ces conceptions sont sujettes à changer d’un siècle à l’autre, souvent dans un intervalle de temps plus court. Comme les moyens de répandre les opinions ont pris une extension considérable, comme le livre et le journal permettent à un grand nombre d’hommes de propager leur pensée, et à un plus grand nombre d’hommes de s’emparer de la pensée des autres, il s’en suit qu’il y a sur chaque sujet mille opinions pour une ; et cette pluralité s’étend non seulement aux idées morales dont chaque classe de la société se fait souvent un idéal différent, qui sont à la merci des influences du milieu et de la littérature, mais aussi aux faits de l’histoire, qui au travers des passions politiques et religieuses, prennent un aspect infiniment divers et varient jusqu’à se formellement contredire. Pour se mettre bien vite au niveau des connais-sances de son temps, que de notions à acquérir pour l’enfant venu dans ces siècles attardés I Que de choses à s’assimirér pour lesquelles il devra s’en rapporter à l’éducation reçue, faire. appel à cette seule faculté sous l’empire de laquelle l’homme croit à des faits qu’il n’a pas vus, admet des vérités scientifiques que ses facultés naturelles ne lui eussent point révélées, imagine des sentiments, des manières d’être qu’il n’a pas éprouvés. Un nombre infini d’erreurs et d’idées fausses peuvent sp glisser par cette voie de l’éducation dans son intel-ligence: mais en supposant même que cette éducation ait été parfaite, cc seul fait de connaître des existences antérieures à la sienne, de savoir comment se sont comportées ces exis-tences dans toutes les conjonctures de la vie, constitue pour lui autant qu’un Illodèle pour le diriger, un mirage aussi qui lui déflore les réalités, enlève à ses impressions leur naïveté

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et leur vérité : plus les grandes images de l’histoire s’étagent devant ses yeux en perspectives, plus hautes, plus lointaines .st plus multipliées, plus il devient pour lui difficile d’échapper à la fascination qu’exerçent sur son âme les hauts faits de héros si vantés et les idées qui ont inspiré de tels hommes ; «il en vient à ne regarder la vie présente qu’à travers le prisme du passé ; il ne s’en rapporte plus à ses sensations et à ses propres perceptions; il les néglige et n’en tient compte ; car il a de toutes choses une idée préconçue; il sait ce qu’il doit éprouver en présence de tel fait et si l’émotion ne vient pas, il l’imagine; il sait par avance ce qu’il doit aimer et ce qu’il doit haïr et ces sentiments imaginaires de choses imaginaires finissent par obscurcir les réalités, par rendre ses nerfs inaptes à retirer de la vie des impressions personnelles. Pour résister à cette invasion dans son âme de ces âmes étrangères, il faut chez l’homme moderne que la vigueur du tempérament se soit accrue et fortifiée en même temps que s’accumulait l’amas des • images se formant pour l’assaillir : s’il en est ainsi, la relation normale persiste et loin de détruire sa personnalité, ce mon-ceau de connaissances que lui transmettent les siècles anté-rieurs est pour lui un trésor dans lequel il puise librement et dont il contrôle l’authenticité au moyen des données de sa propre nature restée tout entière et intacte ; au lieu d’être submergé sous ces flots d’images, il est soulevé par eux et les domine. Mais de tels hommes sont rares et l’ètre que nous a montré Flaubert, en proie à l’ignorance et aux défaillances de la personnalité, sombre englouti sous ces masses mouvantes de sentiments et d’idées. Alors il réalise ce bizarre état patho-logique de l’hypnotisé dont la volonté abolie est remplacée par une influence étrangère régissant ses actes et déterminant les mouvements de son corps ; des idées qu’il n’a pas conçues élisent domicile dans son cerveau, il est en proie à des désirs, à des répulsions auxquels sa sensibilité n’a point de part, et tour ce qui était lui s’efface peu à peu pur faire place à je ne sais quelle caricature grotesque qui grimace étrangement %tir les lignes d’un visage fait pour d’autres expressions. Cette maladie de l’âme n’est donc pas de nature passagère, elle n’est pus destinée à disparaître comme une éphétnère manifestation de la mode : inhérente à toutes les civilisations

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avancées., elle accompagnera la nôtre jusqu’à ce qu’un cata-clysme de nature inconnue anéantisse tout ce qui constitue notre état social et fasse surgir une humanité nouvelle qui portera dans son cerveau le germe d’un mal semblable. Toute-fois, plusieurs circonstances ont contribué depuis environ un siècle à rendre plus saillant cet état pathologique, à déséqui-librer l’âme humaine en affaiblissant d’une part le tempérament de la race, tandis que toutes les causes qui peuvent exercer une influence prépondérante sur les esprits et les arracher à eux-mêmes s’unissaient pour faire de la génération décrite par Flaubert une proie livrée à la voracité des images. M. Bourget a montré comment les guerres de la Révolution et de l’Empire, en développant dans les esprits le goût de l’exotisme, et dans les coeurs « l’infini besoin de sensations intenses n, ont créé l’idéal et la littérature romantiques. C’est d’ailleurs une loi générale de l’esprit humain que cette succession des périodes littéraires aux périodes guerrières et d’action forcenée. Les pro-scriptions de Sylla, les égorgements de la guerre civile sont les’ sanglants propylées par lesquels on pénètre dans ce temple majestueux de la littérature que fut le règne d’Auguste. La Ligue, la France déchirée par les luttes religieuses, en proie au Nord et nu Midi à l’invasion étrangère, toute crispée dans la main raidie de Richelieu, telles sont les prémisses du siècle de Louis XIV. Surchauffée par le choc des événements, l’âme humaine se manifeste par des actes dramatiques, par de tra-giques emportements ; puis, lorsque la température du milieu s’est refroidie, lorsque les événements font défaut, cette force exaspérée, préte à jaillir en actes, et désormais sans emploi sous cette forme brute, peu à peu se transpose ; elle se traduit par des pensées et par des formes artistiques, s’insinue dans les mots qu’elle anime, circule dans les veines du marbre qu’elle façonne, vibre et s’épand dans les ondes sonores. C’est en raison de cette loi que la grande période littéraire de 1830 fait suite à la forte poussée d’action du commencement du siècle et que toutes les énergies vitales bandées pour les vio-lences de la guerre trouvent un dérivatif dans les orgies de l’imagination romantique. Chateaubriand rapporte de la fin du siècle passé cette langueur que Rousseau a répandue dans ses écrits, que Bernardin de Saint-Pierre a attisée dans Paul et

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Virginie; avec Alala idéalisant la sensation par la force et l’exclusivisme qu’il lui. prête ; avec René, faisant brûler la passion secrètement cachée dans •les replis du coeur, inflexible comme la fatalité antique, inassouvie, causant la mort. Alfred de Musset signale la maladie du siècle, cette disproportion entre la violence des désirs et la platitude des réalités. Après, Byron, après Lara, ChiM Arold et le Corsaire, il crée ce Frantz de la Coupe et les lèpres, cette entité d’orgueil. V. Hugo avec Hernani, Alexandre Dumas avec Antony, emplissent de passion le coeur de leurs personnages, et de ces êtres qui sont uniquement passionnés, font le type idéal de l’humanité. Nodier a importé d’Allemagne la passion suicidante et fait pour l’esprit français des adaptations de Werther. Tous, poètes et prosateurs, ont mis en scène des êtres humains doués de toutes les énergies, supérieurs à la vie commune, séduisants par la force et la noblesse de leur caractère, par l’orgueil qui les élève au-dessus des autres hommes, et pour assouvir les élans, les aspirations de ces natures sublimes, il ont créé un idéal de l’amour dans lequel viennent se fondre toutes ces ardeurs. Cette littérature, frémissante encore et toute pantelante des convul-sions des dernières luttes, toute imprégnée du souffle chaud d’une activité sans emploi, contient des germes de passion qui iront éclore dans les coeurs, des conceptions ,,sentimentales qui exerceront sur les cerveaux une influence prépondérante et les précipiteront hors du réel. Quels hommes succèderont à ceux qui composaient. ces deux générations de fougue tumultueuse? Quels hommes remplaceront ces outranciers de l’action et de la pensée ? Les habitants des côtes de l’Océan ont observé que dans les tempêtes les flots se ruent à l’assaut des falaises et se brisent contre les récifs avec une violence inégale régie par une périodicité presque mathématique : de trois en trois lames seulement, une vague formidable surgit, gonfle un dos mons-trueux et heurte avec une vigueur et un fracas inouïs les rochers ou les digues ; celle qui suit subit le choc de retour de la première, fait effort pour la surniontv. et se précipite d’un élan amoindri mais redoutable encore contre la côte ennemie; puis, comme si la mer lassée était sans force pour une nouvelle attaque, une troisième vague se’ forme avec hésitation, s’ar-rondit mollement, s’avance indécise vers le rivage et finit par.

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être entraînée dans le remous des deux autres. — Cette géné-ration d’hommes que Flaubert va dépeindre ressemble à ce troisième flot ; la prodigieuse consommation de sève humaine faite par la Révolution et par les guerres de l’Empire ne leur a plus laissé en partage que des tempéraments usés, débilités par les fatigues excessives de leurs ancêtres ; déjà leur sang appauvri, allégé, les prédispose à être le jouet des hallucinations et des images, et devant ces êtres déséquilibrés, aux nerfs trop sensibles, se dressent dans un crépuscule fantastique les grands fantômes de la Révolution et de l’épopée impériale, dans une lumineuse auréole, comme des modèles à imiter, les figures divinisées, les types plus grands que nature de là littérature romantique. Comment résisteraient-ils à la fascination de ces images ? Comment trouveraient-ils dans leurs instincts affaiblis des mobiles assez puissants pour s’opposer à cette force qui les arrache à eux-mêmes ? Flaubert raconte qu’il a lui-même subi cette double influence suggestive de l’histoire encore mal refroidie et du romantisme expirant ; lui–aussi a été fasciné par ces déclamationà passionnées, par ces hérequeinventions de la littérature ; mais la rectitude de son jugement, de son esprit critique, la vigueur de son tempérament moitié cham-penois, moitié normand, ces semelles de plomb qui le collaient sur la terre ne lui permettent pas de se soustraire à la réalité de sa nature et de prendre Gustave Flaubert pour un pretffier sujet de drame ou de roman. Il a bientôt démêlé ce qu’il y a de vraiment intéressant dans le romantisme, la beauté de la forme, et son admiratiôn ainsi circonscrite ne l’égare pas à la poursuite d’un idéal chimérique. De bonne heure, il a exercé sur lui-même ses facultés d’observation si aiguës et si sûres ; il a discerné quelle est sa véritable vocation ; il a découvert qu’il est destiné à vivre avec les idées et avec les mots et qu’il doit renoncer à la vie active pour se consacrer à la représen-tation de la vie. A vingt-cinq ans, il écrit à son ami Le Poit-tevin : «. Enfin, je crois avoir compris une chose, une grande chose, c’est que le bonheur poiir les gens de notre race est dans l’idée et pas ailleurs. » Mais de cette maladie qu’il a cotoyée, dont il a ribservé les symptômes dans sa propre intelligence, il conserve le don de voir les traces d’un’ mal pareil dans l’aime de ses il sait sur quel point précis du cerveau

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il faut appuyer pour faire jouer le ressort qui livrera le secret intérieur, son regard pèse sûrement sur cet endroit Caché pour d’autres yeux, démonte l’aine humaine en ses éléments essen-tiels et montre à nu le vice intime qui compromet le bon fonc-tionnement de l’organisme, la source frelatée à laquelle sont puisés les mobiles des actions, la niaiserie des sentiments, la bêtise des paroles, tout ce mensonge enfin d’un être qui n’est pas en harmonie avec lui-même. Et toujours ce mensonge dévoilé a pour cause originelle une défaillance du tempérament ou de l’intelligence, toujours apparaît rompu le rapport normal entre les facultés instinctives de l’homme et ses facultés d’édu-cation : assujettis à la prédominance de ces dernières, tous les personnages de Flaubert ressemblent à des êtres inconsistants et trop légers qùe le poids de leur corps ne retient pas à terre ; l’ouragan des images les déracine du terrain de la vie réelle ; ils n’ont point dé consistance personnelle pour faire contrepoids à la traction qui les sollicite, et cette traction qui, pour des êtres mieux constitués, serait un secours atténuant l’effort de la marche, les arrache à eux-mêmes, à leurs véritables incli-nations, à leurs réels désirs. Mais la vision de l’écrivain ne s’arrête pas aux manifestations accidentelles qui, de son temps, ont rendu plus saillante cette maladie de la personnalité. Toujours semblable à elle-‘même, et composée d’invariables éléments, l’humanité se pré-sente sous des apparences diverses sel4ezt que le moment parti-culier de son histoire soulève à sa surface l’un ou l’autre de ses principes essentiels maintenu jusque-là dans l’ombre par une orientation différente. Flaubert, sous la tendance morbide propre aux vingt-cinq années sur lesquelles a porté son obser-vation, discerne avec une clarté parfaite un de ces principes essentiels ; il perçoit cet acte élémentaire dont M. Bergerat, dans une de ses humoristiques. boutades qui ne sont des para-doxes que par l’outrance voulue de l’expression, n donné la précise formule; faisant à l’homme son,procès, et voulant l’hu-milier devant le pur animal, il a dit de qu’il esta doué pour tout privilège de la faculté de se concevoir autrement qu’il n’est N’est-ce pas cette faculté qui permettra à Mme Rovary, à Frédéric Moreau, épris d’aimiration pour l’idéal romantique de se croire les représentants de cet idéal, à M. Homaise ébloui

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par les mirages entrevus de la science, de se croire un savant et d’être un sot ? Si guidé par cette ‘observation on considère la vie réelle, n’y voit-on pas la plupart des hommes obstinément occupés à ac-complir cet acte élémentaire, à se dédoubler au moyen de cette bizarre faculté ? Combien sont rares les êtres simples, en har-monie avec eux-mêmes, combien fréquents ceux qui, à leur « moi o véritable ajoutent ou substituent un personnage de leur imagination et puisent hors d’eux-mêmes les mobiles de leurs actes, les causes mêmes de leurs inclinations et de leurs sen-timents ! Presque tout homme interrogé sur ses goûts et sur ses désirs répondra par les goûts et par les désirs qu’il vou-drait avoir et qu’il croit avoir, non par ceux qu’il a en réalité, que souvent il subit en les ignorant, et qu’il méprise peut-être chez les autres. Il se conçoit tel qu’il voudrait être, et non tel qu’il est. Presque tous les sédentaires nourrissent une chimé-rique passion des voyages ; ils se croient doués de l’intrépidité qui surmonte les obstacles et les aventures d’une vie hasar-deuse; seules les circonstances sont coupables qui les ont en-fermés dans le périmètre d’une seule ville, qui ont limité leur course aux allées et vernies journalières du fauteuil de leur foyer au fauteuil de leur bureau ; ils mourront dans cette illu-sion, si un hasard fortuit les mettant à même de réaliser leur rève, ne leur prouve que ce rêve est factice et n’est pas appro-prié à leurs moyens d’exécution, qu’ils ne sont point aptes à jouir des plaisirs qu’ils entrevoyaient et qu’à l’user les joies qu’ils s’étaient promises se transforment en peines. Car les véritables vocations portent avec elles leur puissance de réali-sation et chacun occupe presque toujours dans la vie la place que lui assignent ses instincts et ses facultés véritables ; il est rare qu’un commis principal de ministère soit l’avatar d’un Livingston ou d’un Stanley. En proie à une analogue duperie, les nomades qu’une vie vagabonde entraîne loin de leur patrie vers les confins de l’univers, se croient nés pour les douceurs de’ la vie familiale et aspirent à se créer dans la monotonie d’un coin de province une comateuse et douce existence à laquelle ne saurait s’accoutumer leur sang aventureux. Ancrée au coeur de l’homme et infatigablement agissante, cette faculté de s’ignorer soi-même et de se donner le change semble être l’ironique

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contre-partie et le châtiment naturel de l’égoïsme pri-mordial du « moi » : toujours se recherchant et aspirant à se satisfaire uniquement, il ne parvient pas à se trouver et trompé par un travestissement qu’il a lui-même imaginé, il s’exténue à assouvir des passions et des désirs prêtés à un chimérique fantôme. Cette puissance élémentaire semble naître avec l’intelligence même ; elle apparaît dès l’âge le plus tendre, c’est sur elle que sont basés tous les jeux des enfants: il est facile et naturel 4 ces petits êtres doués d’une personnalité rudimentaire de s’ignorer eux-mêmes et de se prêter aux métamorphoses les plus diverses: aussi dès qu’ils ont abandonné les pâtés de sable, leur plus grand bonheur est-il de contrefaire les grandes per-sonnes, les rôles qu’elles jouent dans la vie et d’être encore tour à -tour chien, mouton et tous les êtres de la création. « Si tu veux, toi, tu serais un cheval et je serais le cochçr. » e 3e serais une grande dame et tu viendrais me faire une visite. » Une transposition de personnes de ce genre est le prélude de tous leurs divertissements, et le rôle une fois accepté, ils le, remplissent avec une telle conviction, que le cheval se met à. hennir, qu’il va parfois jusqu’à brouter l’herbe, et que les vi-siteuses, sous prétexte de s’offrir du thé, avalent à petites gorgées avec des minauderies sans fin, les infusions les plus étranges. Par une évolution toute spontanée, ils réalisent sans effort cet état des sujets magnétisés prenant pour d’enivrantes liqueurs, l’eau-qu’on leur donne à boire et qui les grise. Lorsque les années transformant l’enfant en homme, ne lui ont pas fait une perSonnalité assez forte, ou n’ont pas déve-loppé son sens critique, il continue dans la vie ces jeux du premier âge. Mais chez ces êtres plus complets, la faculté de se concevoir autrement qu’ils ne sont se combine avec des éléments de force inégale et de nature variée : des diverses pro-portions de ce rapport, ‘résultent des personnages très férents, inspirant pitié, haine ou mépris, \relevant de la cari-cature et de la comédie, de la mascarade et de la bouffonnerie, parfois aussi du drame et de la tragédie, énigmatiques et incom-préhensibles par l’incohérence des mobiles,_ confinattt & la. folie, cette porte de sortie de l’humanité. Combien d’êtres dont le tempérament personnel est prasque

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nul, sur l’âme desquels le choc des événements ne rend aucun son I Dans chaque circonstance, quel sentiment éprouver, quelle conduite tenir, quelle parole prononcer, quel geste, quel mouvement exécuter ? Leur nature ne leur suggère rien et ils resteraient inertes dans la vie, si la vue de l’action d’autrui ne leur indiquait qu’ils doivent se mouvoir, éprouver des émotions, avouer des goûts et des penchants, émettre des opinions ; à ceux-ci, semblables aux moutons du livre, l’exemple est un levier suffisant pour basculer leur frêle personnalité, pour les déterminer dans tous leurs actes ; les malheureux sont con-damnés à l’imitation ; il faut bien pour vivre qu’ils se con-çoivent autres qu’ils ne sont, qu’ils se composent une âme d’emprunt, qu’ils aient recours à toutes les formules que la société a fabriquées et placées bien en évidence à côté de chaque situation de la vie. En raison de leur peu d’énergie, ils n’im-priment au masque qu’ils se sont ajusté qu’un très faible relief, leur action reste insignifiante et sans portée, et l’évolution in-time qu’ils accomplissent se confond avec l’attitude qui résulte de la raideur du faux-col et de la coupe irréprochable de l’habit. Ils ne conservent, il est vrai, le bénéfice de leur méta-morphose que sous la condition de demeurer cois dans un prudent effacement et de ne pas sortir d’une pénombre protec-trice; mais pour peu qu’ils se conforment à ce programme d’abstention, ils ne retirent pour eux-mêmes que de bien-faisants effets de ce déguisement dont on trouve ‘des exemples dans la nature : certains insectes mal pourvus d’armes de dé-fense dans la lutte pour la vie ne doivent de subsister qu’à la faculté de copier les apparences d’espèces plus robustes ; ils vivent ainsi leur vie d’insectes sous le couvert de cette forme étrangère qui donne le change à. leurs ennemis et les protège contre de redoutables attaques. Cette absence de tout tempérament personnel est assez fré-quente dans l’humanité pour justifier l’existence de la faculté départie à l’homme de se concevoir autrement qu’il n’est ; c’est grâce à ce pouvoir que toute une multitude inerte aimante son âme à l’énergie d’un seul et puise à cette source la cause de mouvement qui lui manque. Mais étant un rouage foncier du cœur humain, cette faculté survit à sa nécessité et il arrive qu’elle s’associe à des tendances réelles’ très violentes; Ie ‘principe

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qui dans chaque homme crée la force de ses inclinations, communique une force égale à ses facultés d’évolution, de sorte que s’il manque de sens critique, s’il ignore cette science si rare du « vco «am» » préconisée par Socrate, l’abîme entre l’être réel et l’être imaginaire s’approfondit à mesure que croît la vigueur du tempérament individuel. Il en résulte un conflit dont la violence et les effets funestes sont en raison de la puis-sance des combattants. Ce conflit, lorsqu’il porte seulement sur des mobiles secondaires, sur des goûts inoffensifs de l’âme humaine engendre un irrésistible comique ; il a été sous cette forme largement exploité par la caricature. Faut-il signaler la passion des exercices de sport se développant chez tels indi-vidus auxquels leur profession et leurs aptitudes semblaient interdire ces divertissements, passion qui a rarement pour cause un penchant véritable, mais plutôt un principe d’imita-tion et la croyance qu’il est facile de réaliser en soi un talent admiré chez autrui ? Le désaccord entre le modèle type que ces amateurs instinctifs de parodie croient avoir atteint et ;e per-sonnage qu’ils représentent en réalité, se traduit par une série de mouvements, de gestes et d’attitudes dont le dessin enferme et conserve dans ses lignes la bouffonnerie et la vertu hilarante. Faut-il rappeler les phénomènes du même genre produits par la fascination de l’uniforme ? Qui ne connaît nombre (k• cas semblables à celui de M. X ? Sous-chef de bureau à la Société Bordelaise, M. X. a pendant la dernière guerre porté les galons de lieutenant dans un corps de mobilisés constitué peu de – jours avant l’armistice ; son régiment n’a jamais quitté la place de la Mairie d’une lointaine sous-préfecture et n’a pu joindre l’ennemi ; la paix signée, M. X. ne s’est pas consolé de la perte des insignes de son grade ; il vit depuis cette époque sur ses souvenirs, il fait des récits de la campagne, ne rêve que disci-pline et manoeuvres; sa moustache raidie par la pommade s’ef-file en deux pointes menaçantes ; il a le ‘geste bref, la voix impérative, l’oeil dur ; il rougit de plaisir quand un flatteur l’appelle « mon capitaine ». A force de zèle, d’intrigues et de bottes vernies, il vient d’être • nommé commandant dans la réserve de l’année territoriale et dans cinquante ans ses petits-fils découvriront parmi les portraits d’ancêtres, celui d’un guerrier à l’aspect terrible, revêtu d’un uniforme éclatant.

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M. X. aura pris soin lui-même de faire exécuter sa ca.ricature. Mais cette monomanie, inoffensive et comique pendant les périodes pacifiques, entraîne, lorsque les circonstances se dramatisent, de périlleux effets ; survienne l’éventualité d’une guerre nouvelle, aucune considération n’empêchera M. X. de remplir un commandement auquel lui donne droit l’or de ses galons ; l’opinion qu’il a de lui-même, sa foi illusoire en sa science militaire ne lui permettent pas de décliner une respon-sabilité et cette présomptueuse assurance se traduira par des morts d’hommes et par des désastres. Car tout mensonge est gros de conséquences funestes, et la fausse conception qu’a l’homme de son intelligence ou de sa sensibilité est toujours le germe latent de quelque catastrophe. Si cette fausse conception de soi-même précipite Mme Bovary en d’adultères joies qui ne combleront pas le désir de son être halluciné, n’est-il pas équi-table d’assigner une analogue origine à telles vengeances mari-tales causées, semble-t-il, par l’évolution d’une nature médiocre, substituant aux mobiles qui la gouvernent réellement des mo-biles de violence puisés dans l’exemple, dans la littérature, dans le « Tue-la a mal interprété de M. Dumas fils ? Naturelle-ment inclinés à l’indulgence, aux compromis ‘de l’indifférence, certains esprits mal équilibrés croient se devoir à eux-mêmes de faire oeuvre de justiciers et de donner aux voisins la repré-sentation d’un drame. Tel autre se vengeant par vanité, se donne à soi-même le transparent de l’amour et de la jalousie ; car une fois posés les termes du mensonge qui vâ régir l’être intime, toute une génération de mensonges secondaires sort naturellement de celui-ci. Pour soutenir jusqu’au bout la fausse conception qu’il a de lui-même, l’homme est contraint de falsifier autour de lui les idées qu’il a des choses, des êtres et de toutes les réalités quelconques qui opposent un démenti perpétuel à son faux personnagé ; cet être imaginaire ne peut vivre et respirer que dans une atmosphère factice, spéciale-ment préparée pour son usage ; de sorte qu’après s’être conçu autrement qu’il n’est, il en arrive à concevoir effectivement amies qu’ils ne sont les mobiles de ses actes, les mobiles des actes étrangers, le monde extérieur, les mots et les choses. Il a trop l’amour de soi pour ne pas s’estimer généreux, désinté-ressé, brave, compatissant, sensible, intelligent, savant ; cela.

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n’empêche qu’il ne soit avare, intéressé, pusillanime et dur, ignorant et borné. En proie à cette contradiction, parfois il obéit à la nature qu’il se suppose, par ostentation et pour satis-faire son besoin de s’admirer lui-même ; mais souvent ses véritables instincts reprennent leurs droits ; alors pour con-server de lui-même la bonne opinion qu’il en a, il déguise à sa propre vue les motifs de ses actes : l’avare qui refuse l’aumône à la main tendue vers lui, persiste à se croire généreux, mais il ne veut pas encourager le vice et l’ivrognerie ; l’ignorant acculé l’énonciation d’un fait précis conserve l’opinion qu’il a de sa science par le mépris affecté pour ce qu’il ignore, ou par des mots sonores et dénués de sens qui tiennent lieu d’explications à son auditoire béant ; l’imbécile sauve son intelligence derrière le .refuge d’une paresse de bon ton. Ainsi ce mensonge originel va se propageant, jetant sa perturbation dans tout ce qui l’a-voisine et modifiant les notions de toutes choses. Depuis que le goût de l’art et, en particulier de la peinture, a envahi la dé-mocratie moderne, combien peu de citoyens , si étrangers soient-ils à la peinture par leurs occupations ou par la tournure de leur esprit s’avouent à eux-mêmes ne pas l’aimer ? Ils veu-lent aimer un art qu’il paraît louable d’aimer. Ils vont grossir la foule qui tous les ans s’entasse dans les expositions de ta-bleaux et dont une bien minime fraction est apte à jouir de l’art pour lui-même. Pour être au niveau du goût du jour, ils altèrent sans façon le sens des mots, la notion même de la chose et font consister la peinture dans le choix des sujets, dans la drôlerie des épisodes, dans la sensibilité que révèlent les expressions, dans la beauté des modèles. Et s’il faut être demain musicien, ou charitable, ou patriote, ils sauront bien aussi remanier les notions de musique, de charité ou de patrio-tisme jusqu’à ce qu’elles s’adaptent à la forme de leurs facultés. C’est ce mensonge et ses conséquences que la vision de Flaubert découvre infailliblement dans les consciences. Il le voit germer dans les coeurs, éclater dans lee sentiments et dans les actes, s’étaler dans les idées, et en proie à cette obsession qui en grave dans son ûme des empreintes ineffaçables, il le reproduit dans son oeuvre sous ses manifestations les plus diverses. Avec Me° Bovary, avec Frédéric Moreau, le mensonge revêt la forme sentimentale en ce sens que ces deux person-

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nages se conçoivent autrement qu’ils ne sont quant au mode et à la nature de leur sensibilité. M. Homais le frit reluire sous sa forme intellectuelle et divulgue la conception de la bêtise humaine propre à Flaubert, de cette bêtise spéciale qui s’épa-nouit dans les dialogues et discussions intervenus entre tous les personnages secondaires de Mme Bovary, de l’Éducation sentimentale, de Bouvard et Pécuchet, et qui toujours provient d’un mélange d’ignorance et de duplicité, du mensonge que se font à eux-memes ces personnages puisant les, motif., de leurs opinions non dans les faits réels de nature à les justifier, mais dans des mobiles d’enthousiasme irréfléchi ou d’intérêt per-sonnel, dans la caste à laquelle ils appartiennent, dans la pro-fession qu’ils exercent. Chacun d’eux présente sous quelque aspect nouveau le mensonge qui les gouverne tous ;, la faculté de sç concevoir autrement qu’ils ne sont laisse intact dans leurs âmes le jeu de tous les autres mobiles, intérêt, vanité, orgueil, avarice, générosité native, amour désintéressé ,du beau, de sorte que çe mobile particulier les différencie les uns des autres . et selon sa, valeur, permet encore de les classer d’après les lois de la critique populaire en personnages sympathiques et anti-pathiques. Mais quel que soit le principe noble ou bassement intérçssé de l’acte à accomplir, la faculté transformatrice est toujours intervenue en eux, entachant de niaiserie les enthou-siasmes, palliant les lâchetés et les cupidités par une sorte d’inconsciente hypocrisie. Enfin, avec Bouvard et Pécuchet, à côté des conséquences purement plaisantes de ce mensonge involontaire qui incite les deux compères à des recherches et à des études auxquelles ils sont particulièrement inaptes, Flatk. bert a mis en lumière une face nouvelle de cette idée qui déjà se dégage si puissamment de la Tentation de saint Antoine, la vanité de l’effort humain,, ce mal, métaphysique et primordial de l’humanité, fatalement vouée, semble-t-il, à la nécessité de se concevoir autrement qu’elle n’est, poursuivant des buts qu’elle ne peut atteindre, aspirant à des destinées qu’elle ne peut, réaliser. Ainsi rattachés à ce principe transcendant, les mirages si divers qui dupent les individus et les arrachent à eux-moines, n’apparaissent plus que comme une conséquence fatale d’un universel ensorcellement, d’un, maléfice jeté sur L’espèce tout qneère.

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III
Si tous les personnages de Flaubert trahissent dans leurs actions, dans leurs sentiments et dans leurs idées le principe morbide qui les gouverne, il en est un plus typique qui manifeste par une série de’ symptômes plus complets ce mal singulier : c’est Mme Bovary. Pourvue d’un tempérament forte-ment accentué et d’une volonté agissante, elle crée en elle, en contradiction avec son être réel; un être d’imagination, fait de la substance de ses rêveries et de ses enthousiasmes égarés dans un lyrisme frelaté. D’une entière bonne foi, elle s’incarne en ce fantôme, lui prête des passions et des désirs et met à son service pour les satisfaire toute la tension de ses nerfs, toute l’énergie de son âme ; ses véritables instincts, toujours prêts à surgir, protestent par leur violence, contre cette usur-pation et tentent de reconquérir la place qu’on leur a prise; elle s’efforce d’étouffer leurs appels, et avec un incroyable acharnement, s’obstine à détourner les yeux d’elle-même, à ne se plus voir que sous les apparences de son rêve ; sa vie toute entière est déchirée par cette lutte poignante, entre son moi réel méconnu et le monstre chimérique qu’elle a installé dans son cerveau; ainsi tiraillée entre ces deux puissances égales, abusée .par le faux idéal qu’elle s’est formé d’elle-même, la pauvre femme devient cet être hybride voué au mensongé nécessaire et aboutissant au suicide, qui seul met fin à sa terrible dualité. Par l’aveuglement obstiné avec lequel elle accomplit son incessante évolution, par sa fin tragique, elle a personnifié en elle cette maladie originelle de l’âme humaine à laquelle son nom peut servir d’étiquette, si l’on entend par ki Bovarysme » la faculté départie à l’homme de se concevoir autrement qu’il n’est, sans tenir compte des mobiles divers et des circonstances extérieures qui déterrninent chez chaqùe individu cette intime transformation. Lorsque l’on essaie d’analyser les éléments qui constituent l’être réel dans Mme Bovary, les traits caractéristiques qui… s’offrent à l’esprit sont l’absence de sensibilité propre aux gens

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de la campagne dont elle est issue, cette sécheresse de coeur qui, s’exerçant d’abord sur soi-même, ne permet guère de com-pâtir à la douleur des autres, de s’apitoyer sur leurs souffran-ces, enfin, cette complexion sensuelle; décrite dans la préface de L’Ami des Femmes, et dont elle offre. quelques signes, les lèvres charnues, cette voix, qui au gré de ses impressions « claire, aiguë, ou se couvrant de langueur tout à coup, traînait des modulations qui finissaient presque en murmures » Tou-tefois, elle n’est pas le monstre physiologique signalé par M. Dumas, et cette propension aux joies de l’amOur physique ne valait d’être notée que parce qu’elle dénonce la réalité matérielle du tempérament. A ces inclinations, il faut bien ajouter une imagination vive et une disposition native à Se concevoir autrement qu’elle n’est, puisque cette nature robuste et saine de campagnarde sera amenée à ne se vouloir plus re-connaître qu’en une créature de tendresse et de sensibilité faite pour les idéales et poétiques amours. Les circonstances exté-rieures favoriseront, il est vrai, cette transformation, et pour rompre l’équilibre de l’organisme, pour abolir la réalité du tempérament, convergeront toutes dans un sens opposé au développement normal des facultés : elles viendront assaillir l’enfant à cet âge où les impressions exercent sui le cerveau encore débile et malléable une influence prépondérante, à cet âge où les inclinations encore faiblement accentuées, peuvent, comme les os trop délicats et trop tendres, subir des dévia-tions irrémédiables ; et plus tard, pour refréner les velléités de retour des réels instincts, de nouveaux faits surgiront qui accroîtront encore les forces de l’être imaginaire. Mais ces impulsions du dehors ont trouvé en elle un milieu intérieur préparé pour les recevoir, une tendance originelle qui n’as-pirait qu’a grandir, et qui parvenue à un certain degré de crtsissance, fera offiçe elle-même de pourvoir à sa subsistance, de choisir parmi les événements extérieurs, ceux qui seront de nature à l’alimenter et à la fortifier ; lorsqu’ayant atteint son apogée, elle sera devenue un état d’âme permanent, elle se manifestera chez M’ne Bovary, par une impuissance à percevoir les objets réels, à en retirer directement des idées et des sen-sations ; le inonde extérieur physique ou moral, n’arrivera jusqu’à elle que déformé par l’imagination, préparé pour sa

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consommation personnelle, au moyen d’une sophistication; toutes les réalités lui apparaîtront ternes et ennuyeuses, et si parfois elle semblera y prendre intérêt, c’est que par un effort constant de son imagination, elle les aura transposées, et en aura retiré, non les plaisirs qu’elles comportent, nuis les jouis-sances fictives qu’elle y aura attachées. On a dit d’elle qu’elle présentait tous les symptômes d’une hystérique ; cette qualifica-tion ne saurait être. admise que sous le bénéfice d’une res-triction; l’héroïne de Flaubert n’est pas en proie à des crises physiques, à des hallucinations caractérisées et ne peut être considérée comme une malade dans le sens physiologique du mot ; la tendance spéciale qui la domine, se traduit par des états cérébraux et par des phénomènes moraux qui relèvent très nettement de la seule psychologie; mais ainsi définie et circonscrite, cette tendance existe et si l’on admet que toute disposition morale a pour principe ‘un état de tempérament dont l’exagération serait une maladie physique, on ne s’étonne plus de rencontrer des analogies entre les actes volontaire§ de Mme Bovary et les actes inconscients des hystériques. On sait que sous l’empire des crises qui les agitent, ces malades sont les jouets d’hallucinations dont les objet) imaginaires agissent sur leur sensibilité avec une extraordinaire intensité ; lorsqu’on leur présente alors l’objet réel dont l’image leur cause. une sensation de joie ou de douleur, il arrive parfois que -sa pré-sence effective, loin d’aviver la sensation la détruit et met fin à la crise ; les nerfs employés au service des images, se sont en quelque sorte révulsés et n’acceptent que lés suggestions venue,. du dedans, créées par eux-mêmes; les perceptions et les sensations produites par les objets extérieurs ou les bles-sent ou les laissent insensibles. C’est en vertu du même pria-‘ cipe que Alm° Bovary néglige les donnée§ de son .être réel, méconnaît les sentiments qu’il éprouve et lui en prête d’autres que les réalités n’ont pas le pouvoir dé susciter en lui ; elle hait ces réalités pour cette impuissance -dont elle est seule coupable, et ayant elle-rnétne fabriqué sentiments, s’efforee de façonner un monde à leur convenance, hors de’ la vie; elle respire alors en pleine fiction ; niais plus tard, lorsque sôn- tem-. pérarnent trop longtemps raillé est las d’être berné.Por tô:ne, comme il arrive dans sa liaison avec Rodolphe, die

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vient à déformer hypocritement les réalités qui s’impcisent elle et pour mettre d’accord les revendications de ses sens avec le rêve d’amour poétique qu’elle a formé, pour donner la réplique à l’être de fantaisie qu’elle nourrit de toute la force de ses nerfs et de son sang, elle crée chez son amant et à côté de lui un personnage fictif, dont celui-ci, en séducteur indif-férent sur les moyens, consent à tenir le rôle, de sorte qu’après avoir travesti son être intime et ses sentiments, elle grime et travestit les objets extérieurs et ics sentiments étrangers, afin d’en pouvoir retirer une jouissance; elle est semblable• aux enfants qui, au lieu de contempler le ciel pour la beauté réelle et la richesse de ses teintes, cherchent à retrouver dans la forme des nuages des configurations d’animaux et de conti-nents et à force de tension d’esprit, parviennent à distinguer nettement des troupeaux de moutons faits de nuées amon-celées et mille bêtes étranges, monstres créés par leur cervelle en travail. L’éducation de la paysanne au couvent des Ursulines de Rouen, parmi des jeunes filles appelées par la naissance ou la fortune aux élégances d’une vie aristocratique, est la première et la plus importante des circonstances extérieures qui favori-sent l’éclosion de sa tendance à transposer sa personnalité ; la disproportion entre cette éducation qu’elle reçoit, entre la des-tination qu’elle suppose et la destinée qui lui est réservée, est bien de nature à déséquilibrer son âme ; n’est-elle pas en droit d’oublier qu’elle est une paysanne lorsqu’on lui enseigne tout ce qui est de nature à faire briller la femme dans le décor d’un salon ? Puis, à cet âge où les sens de la jeune fille se forment et dans l’ignorance de leur désir s’attachent à des objets chimé-riques, l’atmosphère de mysticisme qui l’environne, déjà l’abuse sur les véritables buts de ses aspirations et dérive vers d’exta-tiques ferveurs les troubles de la puberté. « Les comparaisons de fiancé, d’amant céleste et de mariage éternel qui reviennent dans les sermons lui soulevaient au fond de l’âme des dou-ceurs inattendues ». Enfin à travers les grilles du couvent, l’influence romantique pénètre jusqu’à elle et accroit cette avidité d’émotions à laquelle la prédispose sa nature. Au réfec-toire on lit des passages du Génie du christianisme, et une vieille demoiselle protégée par l’archevêché, qui tous les mois

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vient travailler à la lingerie, prête aux grandes, en cachette, des romans tout remplis d’invraisemblables amours, d’aventures exorbitantes dans des pays de féerie. Emma, après s’être repue de cette littérature de pacotille, lit Walter Scott et s’éprend du moyen âge, rêve bahuts, salles des gardes et ménestrels. Sous l’influence de ces lectures, un idéal se forme en elle, de l’a-mour qu’elle ne connaît pas, de la nature qu’elle n’a vue jus-qu’alors qu’avec des yeux indifférents de campagnarde, de la piété filiale, de la douleur et de tous les sentiments en général dont l’intensité lui apparaît comme une beauté morale, comme la marque d’une parfaite noblesse d’âme, d’une nature hors du commun : ignorant que les émotions sont spontanées et ne s’acquièrent pas au prix d’un effort, elle voudra réaliser en elle dans des formes entrevues cet idéal qui l’a fascinée. Incitée par un mobile d’admiration, elle incarne en elle les héroïnes de ses romans, contracte l’habitude d’ouvrir son âme aux êtres ima-ginaires, la prête à chacun d’eux tour à tour, y essaie les senti-ments de ses personnages fictifs ; les attitudes de son corps, ses gestes et les expressions de sa physionomie se modèlent sur les dispositions de l’être chimérique qui l’habite ; cette reproduction extérieure ajoute à la force de l’illusion et bientôt elle ne sait plus distinguer de son propre moi le fantoche au-quel elle s’est livrée; ses nerfs accoutumés à simuler les im-pressions de ce fantoche, à ne vibrer que sous l’empire du rêve intérieur, ne lui apporteront du dehors et des objets réels que de confuses perceptions, et le contact des réalités, la rencontre des sentiments véritables n’auront pas assez de puissance pour la désabuser. A l’occasion de la mort de sa mère, elle essaie dans son coeur le sentiment de la douleur; elle écrit à son père des lettres si désolées que celui-ci ia croit malade et vient la voir; elle esta intérieurement satisfaite de se sentir arrivée du premier coup à ce rare idéal des existences pâles où ne parviennent jamais les coeurs médiocres D. Elle crée en elle une atmosphère de tristesse et de désolation, puis, dit Flaubert, « elle s’en en-nuya, n’en voulut pas convenir, continua par habitude, ensuite par vanité et fut enfin surprise de ,se sentir apaisée sans plus de tristesse au coeur que de rides sur son front. ‘ Elle échappe de même à la fausse vocation religieuse dont elle s’est un instant

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donné la représentation à la faveur de sa tristesse, attirée d’ailleurs par les matérialités du culte, le parfum des fleurs et de l’encens, l’appareil des cérémonies, les paroles enflammées des cantiques. Son tempérament est trop robuste pour abdiquer au premier choc des images, et les sollicitations d’ordre pu-rement mystique sont trop en désaccord avec sa réelle nature pour qu’elle ne soit tôt avertie par un ennui profond de la farce qu’elle se joue. Aussi ne sera-t-elle complètement dupée que par un sentiment dont l’illusion offrira du moins quelques points communs avec ses réels instincts. Ce sentiment est l’amour. Elle s’est conçue faite pour l’éprouver dans toute sa splendeur et l’attend, l’appelle avec impatience. Lorsqu’elle épouse Charles Bovary, elle compare à ce qu’elle ressent l’idée anticipée qu’elle s’est faite de la passion ; son idéal étant faux, en désaccord avec les modes de sa propre sensibilité, elle ne la reconnaît pas dans les manifestations de la lune de miel conju-gale, et cet idéal constituant pour elle un absolu critérium, elle décide qu’elle n’aime pas. Perdue dans son rêve, hallu-cinée par son désir, elle n’entend pas le bruissement des sen-sations qui s’éveillant dans sa chair, pourraient toucher son cœur ; elle reste insensible à la tendresse vulgaire, mais pro-fonde et passionnée qui s’épanouit silencieusement auprès d’elle. Elle tombe dans les profondeurs grises de l’ennui et semble se résigner à l’avortement de sa vie brisée, lorsqu’un nouvel épisode, le bal au château de la Vaubyessard rend des forces nouvelles à l’être imaginaire qui est en elle ; cette vision de la vie mondaine at des somptuosités de la richesse fulgurant à travers l’ombre de sa vie plate et monotone fait surgir la Chimère assoupie: semblable à ces mouches engourdies par les premières gelées qui se traînent en étirant leurs ailes sous un rayon plus chaud du soleil de midi, tout ce monde de féerie qui sommeillait au fond de son coeur, endormi par le froid de l’existence provinciale, par la continuité des jours invaria-blement ternes, s’éveille dans l’atmosphère de la fête sur-chauffée et fait si bien invasion dans son âme que toute mé-moire de sa vie passée s’évanouit et que le personnage de grande darne qu’ene joue quelques heures, efface le souvenir de la paysanne « écrémant avec son doigt les terrines de lait dans la laiterie », étouffe à jamais l’être réel de la petite bour-

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geoise, femme de l’officier de santé qui demain va retomber dans la vulgarité de son ménage. Elle se conçoit désormais hors de toute réalité ; seuls les sentiments et les plaisirs qui ne sont pas à sa portée et qu’elle peut déformer par l’imagination lui procurent des émotions ; elle achète un plan de Paris, s’abonne à des journaux de modes, s’intéresse aux premières représentations, aux courses, aux réceptions, sait les jours de Bois et d’Opéra. Elle lit les romans d’Eugène Sue, ctux de I3alzac et de George Sand « y cherchant des assouvissements imaginaires pour ses convoitises personnelles ». La tendance hystérique qui la gouverne a pris un tel empire sur elle que toute condition d’existence, quelle qu’elle soit, par le seul fait qu’elle est une réalité, suscite en elle une conception contra-dictoire. Qu’on la suppose à cette époque de sa vie transportée dans le milieu qu’elle a rêvé, grande dame à Paris, riche et blasonnée, elle ne verra dans les réalités voisines, dans ses habi-tudes de luxe et d’élégance devenues de quotidiennes et mono-tones corvées, que des sujets de tristesse et d’ennui ; elle esti-mera que les sensualités du luxe sont incompatibles avec le:• joies du coeur, que la distinction raffinée du bon ton dissimule la sécheresse des sentiments et la brutalité des actes ; et elle rêvera des amours pauvres faites de sacrifice et de dévouement ; elle rêvera peut-être d’une modeste bourgeoise, épouse d’un petit médecin obscur, au fond d’une province, trouvant le bon-heur dans l’épanchement d’une tendresse partagée, dans l’ac-complissement, loin des mondaines futilités, de devoirs simples et monotones. Car le mal auquel elle est en proie la contraint de vivre dans un mensonge perpétuel vis-à-vis d’elle-même et fait de l’irréel, du faux et du factice la loi nécessaire de ses aspirations, de ses désirs et de ses goûts. Ses actes n’ont plus aucun rapport avec la vie à laquelle elle participe ; ils ne ten-dent plus à la satisfaction d’un désir réalisable ; en appa-rence, ils ne répondent à rien ; de fait, ils ont pour but de satisfaire l’être imaginaire qu’elle aime et qu’elle croit être: tous ses actes, commencés dans la vie réelle, ont un achèvement dans la fiction. C’est ainsi que la petite servante engagée par ellc est stylée comme une femme de chambre de grande maison. Elle-même se vêt d’une façon bizarre et incommode, mais ce costume traduit une certaine attitude romantique et moyen-

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âgeusc qu’elle aime à voir représentée en elle. Elle achète un buvard, une papeterie, un porte-plume et des enveloppes, quoiqu’elle n’ait personne à qui écrire ; mais elle prépare tout dans sa vie en vue d’une réalisation subite de l’idéal qu’elle imagine, de l’intrigue qu’elle va lier, des lettres d’amour qu’elle écrira, des confidences tendres qu’elle échangera avec une amie ; et à posséder ainsi les accessoires et le décor de l’amour, il lui semble qu’il va naître de lui-même. Et comme ses véri-tables instincts ne la dirigent plus, elle jette aux pauvres, bien qu’elle ne soit pas tendre, toutes les pièces blanches de sa bourse. L’idée anticipée qu’elle s’est faite de tous les sentiments la rend inapte à les éprouver dans la vie dont la brutale réalité brise les contours de ses raves. Elle renonce à aimer la mu-sique et abandonne son piano parce que l’auditoire admiratif dans le cadre présumé lui fait défaut. Elle renonce, au sen-timent maternel parce qu’elle n’a pu « faire les dépenses qu’elle voulait, avoir un berceau en nacelle avec des rideaux de soie rose et des béguins brodés ». Si elle aime Léon, c’est parce qu’atteint d’un mal semblable au sien, celui-ci entre dans la conception imaginaire qu’elle s’est formée de l’amour ; c’est sous ce déguisement qu’un sen-timent vrai peut se glisser dans son âme; c’est à la faveur de ce qu’il y a de factice et de faux dans l’amour du clerc que son oreille reconnaît l’air de la romance et qu’un peu de tendresse émeut son coeur. Que l’on se rappelle, lorsqu’arrivent à Yon-ville-l’Abbaye les époux Bovary, cette merveilleuse conversation de l’auberge du Lion-d’Or: tandis que Charles écoute le phar-macien étalant sa suffisance et sa puérile érudition en de lôn-gues phrases prétentieuses, Emma et Léon se perdent dans une causerie qui les ramène sans cesse à exprimer des goûts communs, des sentiments partagés ; ils aiment de la même façon tout ce qu’ils ne connaissent pas et l’imaginent de même; ils disent d’une voix mélancolique toutes les niaiseries con-sacrées par une littérature de feuilleton sur la beauté de la na-ture, sur la poésie des soleils couchants, des montagnes, de la mer, sur l’Art, sur la vie, sur le inonde, toutes les idées de convention, tous les lieux communs du sentiment par lesquels certains tempéraments, épris d’impressions qu’ils ne peuvent ressentir, remplacent de bonne foi la sécheresse de leurs sensations

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et le néant de leur émotion personnelle, se persuadant à bon compte qu’ils ont franchi les plus hautes cimes de l’idéal. Cc point de vue semblable qui les unit et en fait parmi cette population de villageois, des êtres d’exception, ne tarde pas à. se traduire par un amour. réciproque ; chacun d’eux l’exprime par les mêmes formes convenues de sorte qu’ils fabriquent l’un pour l’autre des sentiments artificiels transformés par le même apprêt et se correspondant admirablement. Einma Bovary possède donc cette grande passion tant sou-haitée. Va-t-elle s’y précipiter et se hâter d’en jouir ? Non, car cette passion, commencée dans la fiction, a pu s’acclimater dans la réalité, colorée des teintes du rêve en la personne de Léon. En raison de l’hystérisme de sa nature, cette passion, par cela même qu’elle est réelle, va donc susciter en elle un obstacle imaginaire : étant amoureuse, elle se conçoit vertueuse et attachée à ses devoirs, et, bien qu’elle ne ressente pas d’amour pour son mari, bien que la religion ni la morale n’aient d’empire sur son âme, elle comprend que l’immolation d’une grande passion à un austère devoir comporte un nouveau genre d’idéal et constitue un rôle à représenter ; elle se joue donc résolument la comédie du sacrifice, et le même esprit de mensonge qui a fait naître son amour élève une barrière fictive que la timidité de Léon ne franchira pas. Et tel est, de cette nature, le côté dramatique, cette lutte constante entre un état d’âme imaginaire et un état de tempérament fortement accusé ; tandis qu’en des êtres moins forts, la fiction s’oppose à la fiction ou triomphe sans effort d’une personnalité sans relief, les deux éléments qui se livrent bataille dans l’âme d’Emma sont de puissance égale, et si jusqu’ici le monstre chimérique enfanté par le rêve a dominé et étouffé le person-nage réel, celui-ci dorénavant va prendre sa revanche et c’est à son profit que va se jouer la comédie. Après le départ de Léon, Emma se rend compte de l’illusion dont elle a été victime et il ne lui reste qu’un immense regret de n’avoir pas satisfait son amour. Aussi, lorsque Rodolphe Boulanger évoque en elle l’image des félicités qu’elle vient d’entrevoir, ne rencontre-t-il qu’une âme aspirant de toutes ses forces à la passion, à la passion toutefois telle qu’elle l’entend, car à la suite de ses sens débridés, elle traîne toujours son

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ancienne conception d’amour idéal dont elle veut rencontrer chez son amant l’image équivalente. Rodolphe, qui remplit consciencieusement son rôle de séducteur, lui facilite l’illusion ; son expérience de praticien a classé les femmes en deux ou trois catégories et il a trouvé de suite le cliché qui convient à celle-ci. « De tempérament brutal et d’intelligence perspicace o, ce qu’il veut est très simple ; il sait que le désir d’Emma ne diffère pas sensiblement du sien, mais qu’elle ne se l’avoue pas à elle-même et qu’il est nécessaire de la tromper pour l’amener à l’accomplissement de ce désir. Il dit donc ce qu’il doit dire et s’astreint à une pose sentimentale, à une phraséo-logie romantique qu’il sait indispensables. L’imagination de Mme Bovary n’en demande pas tant pour édifier son rêve : la dualité de son être trouve son compte à cette passion qui satis-fait en même temps ses instincts de volupté, dissimulés sous l’idéalité convenue des sentiments, et les désirs de la chimère; puisque Rodolphe a endossé le costume du héros entrevu. Un instant les deux termes de sa nature paraissent s’être enfin. conciliés; le duel continue pourtant, cette apparente concor-dance repose sur un double mensonge, qui naïf et inconscient chez elle, mais volontaire et calculé chez son amant, doit fata-lement aboutir à un heurt et se crever à l’angle aigu de quelque réalité impossible à contourner. Tandis que Rodolphe, en comédien supérieur, distingue parfaitement ce qu’il exprime de ce qu’il éprouve et circonscrit l’étendue de sa passion dans les limites de la possession physique, Emma s’imagine éprouver et inspirer l’amour absolu raconté dans les livres ; elle joint à sa réelle passion tout un cortège de mièvreries sentimentales, un élément faux, étranger à elle-même, mais formant partie essentielle de l’idéal qu’elle applique. Rodolphe, qui s’est astreint pour la séduire à jouer le personnage romantique que l’on sait, a continué de lui donner la réplique par habitude prise, en raison de cette difficulté qu’il y a à changer des rap-ports établis, et de cet enchaînement logique des situations qui une fois posées entraînent et déterminent les paroles et les manières d’être; et puis ce rôle à tenir convient à son indo-lence, dissimule la pauvreté de ses sentiments et lui, fournit tout ce remplissage de l’amour dont il se soucie peu de faire lui-même les frais. Mais lorsque Emma poursuivant le développement

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logique de son idéal de passion absolue lui demande de l’enlever, la gravité de l’acte à accomplir le ramène brusque-ment à la réalité de la situation, il dépouille un rôle qui com-porte d’aussi scabreuses conséquences et rentre prestement dans la coulisse, laissant sa maîtresse terminer seule cette pièce, qui prend des allures de drame. Emma reçoit un choc terrible de cette rupture qui brise en même temps son coeur et ruine définitivement son idéal ; elle est près d’en mourir, mais il semble que la malheureuse, dans son continuel effort pour devancer les émotions, pour diriger sa spontanéité, se soit soustraite aux causes naturelles de pleisir et de souffrance, aux lois normales de la vie ; il faudra que par un acte de sa volonté elle évoque la mort comme elle a naguère évoqué la douleur, l’amour et tous les sentiments. La violence de la crise qu’elle vient de subir a développé son sens critique et lui a fait com-prendre la nature chimérique de l’idéal qu’elle a poursuivi. Mais déjà le mal n’est plus guérissable et bien qu’elle connaisse à présent ‘ la petitesse des passions que l’art exagère », malgré l’illusion perdue, le besoin persiste d’éprouver des émotions, et puisque la réalité ne les suscite pas, de falsifier sciemment cette réalité et de s’éprendre de la fable inventée par elle-même, Elle est devenue semblable au joueur invétéré qui, dominé par un irrésistible penchant, joue encore lorsqu’il sait qu’on le vole et que les cartes sont biseautées. Elle provoque sa nou-velle passion pour Léon comme une hallucinée consciente qui déterminerait elle-même ses propres hallucinations ; elle tente de lui appliquer comme un masque sa conception d’amour romanesque; de toute la force de ses nerfs, elle fait appel au mirage bienfaisant, essaie de se persuader qu’elle aime ; elle s’est résignée comme à un opium à cette fiction nécessaire, et après avoir découvert que Léon est « incapable d’héroïsme, faible, banal, plus mou qu’une femme, avare d’ailleurs et pusil-lanime », elle s’efforce encore, dès qu’il est loin d’elle, de l’imaginer autre et de galvaniser sa passion ; elle lui écrit, « mais en écrivant elle percevait un autre homme, un fantôme fait de ses plus ardents souvenirs, de ses lectures les plus belles, de ses convoitises les plus fortes »; elle sait que ce fan-tôme n’existe pas et qu’elle n’en peut prêter la forme à aucun être vivant. Elle sait aussi qu’elle-même n’est pas la grande

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amoureuse, qu’elle a rêvé, qu’elle a tenté d’être ; devant ses yeux clairvoyants gît, lamentable, la dépouille du monstre déri-soire qui si longtemps la fascina. Mais elle est trop tard désa-busée : le moi qu’elle a réellement sacrifié naguère à la chimère s’est atrophié, est devenu inapte à ressentir quelque joie à vivre; la lutte entre les deux puissances qui se disputaient son âme n’a pris fin que par l’anéantissement de l’une et de l’autre, et aussi impuissante à susciter la fiction que ne fé-conde plus l’illusion morte qu’à étreindre la vie réelle de l’effort débile de ses désirs surmenés, elle expie par le suicide cette faute innocente et fatale de s’être conçue autre qu’elle n’é-tait, d’avoir méconnu, sous des influences d’éducation, et en vertu d’une loi funeste de son tempérament, son être véritable. Si à l’antique lutte entre le devoir et la passion, lutte qui remplit le drame Cornélien, on compare ce conflit dans une âme entre l’imaginaire et le réel, ce dernier point de vue n’ap-paraît-il pas comme un antagonisme plus simple, plus élémen-taire, et partant, plus indestructible, plus constant et plus profond- des facultés de l’âme humaine ? Cette psychologie toute positive n’est-elle point de mise à une époque où sont douteuses et vacillantes les notions de responsabilité morale, où l’esprit philosophique cherche avec inquiétude un principe sur lequel puissent être solidement assises quelques règles immuables du bien et du mal. Il n’importe plus de savoir si Chimène ou si Ca.nille résisteront aux entraînements de leur amour au profit d’un devoir rigoureux, mais si Mme I3ovary s’appartiendra à elle-même, si ses propres sentiments seront assez forts pour résister à l’invasion de sentiments étrangers, si elle sera en harmonie ou en contradiction avec elle-même, si le choc des événements sur son âme la fera vibrer d’un accord parfait ou d’une dissonance. Ce simple fait tout positif aura de, prodigieuses conséquences, car aucun corps n’échappe défini-tivement et sans souffrance à la loi qui le régit, de sorte qu’une morale nouvelle, fondée sur la simple notion de vérité, s’élève inexorable de la constatation de cet intime antagonisme. « Toute fiction s’expie, a dit Amiel, car la vérité se venge ! » Cet axiome formidable se dresse entre toutes les pages de l’ocuvre de Flaubert, et le mensonge dont tous ses personnages sont des victimes plus ou moins inconscientes est toujours expié par la

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souffrance, par la ruine, par le suicide, par le mépris, par le ridicule, ou comme dans l’antique morale des tragiques grecs qui ne frappait pas toujours les coupables, par le malheur d’autrui. Cette vengeance de la réalité, Mme Bovary la voit surgir sur son seuil au retour du bal masqué à Rouen, sous la forme d’un jugement de saisie, et la petite bourgeoise qui, pour satisfaire les fantaisies de la grande dame amoureuse trô-nant dans son cerveau, a souscrit des billets en imitant la signature de son mari, paie de sa vie les conséquences de cette fiction. C’est encore une fiction semblable qui suscite dans l’épisode du pied-bot cette autre vengeance de la vérité bravée par un double mensonge. Car dans cette œuvre admirablement com-posée, le mal psychologique de l’héroïne commande toute l’or-donnance du livre, réagit sur les phénomènes extérieurs et faisant une sélection, adoptant ceux qui lui sont favorables, détermine aussi le contour des événements voisins. Si le garçon d’auberge Hippolyte a la jambe coupée, c’est parce qu’Emma s’est mis en tête d’aimer son mari et qu’elle a voulu s’en donner des raisons : telle qu’elle se conçoit elle ne peut aimer le vulgaire officier de santé qu’il a été jusqu’à ce jour ; elle l’imagine donc praticien célèbre, hardi novateur, dirigeant le mouvement médical de son temps : la sottise prétentieuse du pharmacien venant en aide à sa vanité sentimentale, tous deux décident de faire tenter l’opération de « l’intéressant stréphopode », et comme la sottise s’impose, Charles se laisse persuader par sa femme qu’il doit réussir, Hippolyte, endoctriné par Homais, consent à se faire opérer, et l’expérience aboutit à l’amputation pratiquée par le docteur Ganivet.
IV
Cette vengeance de la réalité apparaît d’une façon manifeste dans la simple opposition des deux titres par lesquels Flaubert a voulu successivement désigner ce livre qui est devenu l’Édu-cation sentimentale et qui dut d’abord avoir pour nom les Fruits secs, ce livre si près de la vie qu’il s’en distingue à peine,

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tant le procédé artistique disparaît sous la vérité du rendu. La seconde et définitive dénomination du roman met en vedette la cause au lieu des effets du vice cérébral qui arrache à la vraie connaissance d’eux-mêmes les deux principaux personnages et les contraint de se concevoir autres qu’ils ne sont ; c’est parce qu’épris de l’idéal romantique ils se sont efforcés de le réaliser en eux, qu’ils ont méconnu ou tenu en mépris leurs sentiments vrais et leurs véritables aptitudes et sont devenus des Fruits secs tant au point de vue sentimental qu’au point ae vue intel-lectuel. Le cas de Frédéric Moreau est fort semblable à celui de Mn 1. Bova4, : comme elle sous l’influence suggestive du roman-tisme, il s’est attribué des goûts et des sentiments en désaccord avec la vocation propre de son tempérament, comme elle, il s’est forgé un idéal de l’amour qu’il ne pourra réaliser parce que cet idéal est faux peut-être, mais surtout parce qu’il est hors de la portée de ses sens, parce qu’il ne répond pas à de réels désirs. Plus encore qu’en Emma Bovary le principe de cette fiction se manifeste en Frédéric Moreau avec une flagrante évidence ; car si les conditions de milieu et de fortune sont toutes défavorables à la réalisation du personnage que celle-là a résolu de représenter, elles convergent au contraire pour faci-liter à Frédéric l’accomplissement de son rêve; comme il n’y peut parvenir, on ne saurait mettre en doute la profonde anti-nomie qui existe entre son être réel et l’imaginaire conception qu’il en a. Si le mensonge dont il se repaît n’entraîne pas pour lui les suites funestes qui font de Mwe Bovary une puissante personnalité de drame, la médiocrité de sa nature fournit l’ex-plication de ce sort inégal : celle-ci apporte dans la vie des forces vives et le fantôme qui usurpe le gouvernement de son être, s’il trouve pour le servir une volonté agissante, se heurte à des instincts vivaces, prompts à la révolte. Les choses vont autrement avec Frédéric Moreau : Sa volonté molle est impuis-sante à animer, à traduire par des actes importants la fausse conception qu’il a de lui-même ; sans force pour résister par la vigueur d’un tempérament personnel aux suggestions du rêve, il est sans force aussi pont réaliser ce rêve qui demeure en lui à l’état d’aspiration inassouvie, à l’état aussi de fascination, dont le seul effet funeste est de le rendre sourd à toute autre

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sollicitation, et de le détourner de sa voie irrémédiablement. Ainsi posé il ne relève ni du drame, ni de la comédie et c’est peut-être le plus haut titre de gloire du grand Flaubert que d’avoir su faire vivre et respirer dans l’atmosphère artistique un personnage si voisin de la vie qu’aucun relief tragique ou cornique ne le souligne t l’esprit du lecteur, soulevant la ter-reur ou déchaînant le rire. Dépourvu d’énergie, doué d’une sensibilité moyenne et d’un tempérament pondéré, d’intelligence ouverte, mais non artis-tique parce que ses sens manquent d’acuité et de délicatesse, Frédéric se conçoit destiné à ressentir les joies les plus intenses de la passion, à atteindre les plus hauts sommets de l’art; il a les yeux rivés sur un idéal qui exige une ardeur de tendresse et de passion, une spontanéité d’impressions, et des qualités natives qui ne s’improvisent ni ne s’acquièrent,—et, l’éblouis-sement causé par ce mirage l’empêche de faire emploi de ses facultés réelles qui le destinaient aux incidents sociaux tels qu’une position officielle et le mariage. La lecture des poètes de 183o a formé en lui de toutes pièces sa conception de l’a-mour. Incapable de goûter ce qu’il y a dans l’art de véritable-ment artistique, la beauté de la forme, il a apporté dans ses lectures des préoccupations passionnelles ; au lieu d’admirer dans Châteaubriand, dans Lamartine, dans Hugo, la richesse des images, la magie du style, la cadence des rhythmes, il a cherché dans leurs oeuvres des sentiments à éprouver, des émotions à consommer; de sorte qu’après avoir apporté dans les choses de l’art une âme avide de sensations, il apportera dans la vie des sensations et des sentiments frelatés, entachés de littérature. C’est en M’e° Arnoux qu’il incorpore son rêve poétique, il l’a déployé sur elle comme un Zemph mystérieux qui lui communiquera là vertu, secrète d’inspirer l’amour; elle devient l’objet de la sentimentalité développée en lui par la littérature et cette passion commence non parce qu’il aime en réalité, mais parce qu’il veut aimer : elle est le personnage in-dispensable auquel il rapporte ses rêveries, au moyen duquel il anime ses’paysages; elle tient le rôle principal dans la comédie de son coeur. Mais cette passion, née dans son imagination, ne satisfait que son imagination; assez forte pour faire obs-tacle à tout autre amour, à toute expansion de jeunesse, elle

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intervient toute puissante pour entraver ses plaisirs, paralyser ses naissantes inclinations, briser ses habitudes : elle le rend insensible à la tendresse de Louise Roques, met fin à sa liai-son avec Rosanette et rompt son mariage avec Mme Dambreuse ; mais elle ne peut rien pour elle-même, elle ne porte pas en clic cette puissance de réalisation par laquelle les désirs et les besoins vrais suscitent un effort approprié au but à atteindre. Après avoir posé en principe qu’il aime, il n’éprouve aucun des effets ordinaires de l’amour. « Une chose l’étonnait, dit Flau-bert, c’est qu’il n’était pas jaloux d’Arnoux. D Cet amour s’ac-commode fort bien de l’absence, et lorsque son droit terminé, il retourne à Nogent, il se croit d’abord malheureux et près du désespoir; mais « à force d’avoir versé sa douleur dans ses lettres, de l’avoir mêlée à ses lectures, promenée dans la campagne et partout épandue, il l’avait presque tarie si bien que Mme Arnoux était pour lui comme une morte dont il s’é-tonnait • de ne pas connaître le tombeau, tant cette affection était devenue tranquille et résignée. » Et c’est bien là, en effet, de cette passion la seule et véritable fonction : servir de thème à des épîtres, meubler la mélancolie des promenades solitaires. Lorsque après l’héritage de son oncle, il revient à Paris, il se prépare à ressentir, à la première entrevue, des spasmes de joie. « Le calme de son coeur le stupéfie. Il s’obstine néan-moins dans son illusion volontaire et à force de battre le bri-quet sur son coeur, il en arive à entraîner à la suite de son imagination toute sa tendresse, toute sa sensibilité, à donner une apparence de réalité à ce fantôme de sentiment; mais il y manque encore cette spontanéité et cette puissance des pas-sions vraies et s’il veut posséder Mine Arnoux, c’est, —plus en-core que par désir intense, — afin de réaliser sa conception amoureuse dans les formes préscrites, par amour-propre aussi et par vanité d’homme. Mais Mme Arnoux ne l’accompagne que jusqu’à la moitié de son rêve; leur liaison s’en tient à une in-timité de confidences, et, dans la petite maison d’Auteuil où elle s’est réfugiée pour résister à un sentiment qu’elle éprouve avec plus de sincérité que ‘Frédéric, il lui conte « ses mélanco-lies au collège, et comment, dans son ciel poétique, resplen-dissait un visage de femme si bien qu’en la voyant pour la pre-mière fois, il l’avait reconnue ». Lorsqu’ils vont peut-être

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s’appartenir l’un à l’autre, les circonstances les séparent ; Arnoux ruiné emmène sa femme loin de Paris et le livre se termine quelque vingt ans après par cette visite de Mme Arnoux, rapportant à Frédéric dans un portefeuille de velours, brodé par elle de plumes d’or, la somme prêtée naguère ù son mari. Elle lui avoue dans une émotion profonde tout l’amour qu’elle a ressenti, — et bien qu’il la soupçonne d’être venue pour s’of-frir lorsqu’elle lui dit d’un air de désespoir : «J’aurais voulu vous rendre heureux », — bien qu’il soit repris par une con-voitise plus forte que jamais, furieuse, enragée, il s’abstient de, la posséder « pour ne pàs dégrader son idéal», sa conception de l’amour qu’il a préférée à l’amour. Cet aveu final du senti-ment vrai éprouvé par Mme Arnoux accentue la nature chimé-rique de la passion de. Frédéric, impuissant à saisir un bon-heur qui fut si près de lui, et le roman s’achève sur cette impression de grande tendresse gâchée.
V
Si avec le terne héros de l’Éducation sentimentale, avec Mme Bovary, avec Léon, la vision de Flaubert a porté sur des êtres égarés par une duperie sentimentale, elle pénètre avec non moins d’intensité dans une autre région peuplée de phéno-mènes qui révèlent une duperie intellectuelle aussi complète et plus diversifiée : semblable à cette baguette de coudrier, qui, entre les mains des simples, se courbe et se penche vers les sources cachées sous terre, l’acuité de son esprit est irrésisti-blement aimantée vers le mensonge caché dans les personnages et dans les faits ; elle le découvre dans les consciences, le rend visible à tous, l’étale dans sa difformité. Ce Bovarysme intellec-tuel, qui se manifeste dans les actes et d’ans les paroles de Homais, Deslauriers, Pellerin et autres types secondaires, est, comme la précédente fiction, le produit d’un désaccord entre deux termes, l’un réel et l’autre imaginaire, ce dernier tenu pour réel par défaut d’esprit critique et sous l’influence de

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mobiles divers. Mais l’illusion, dont le personnage est la dupe, ne s’exerce plus sur la qualité et la nature de sa sensibilité ; son intelligence est seule en jeu ; c’est sur la valeur de ses fa-cultés intellectuelles qu’il prend le change, les imaginant d’une certaine façon tandis qu’elles sont autres, inférieures à l’idée qu’il s’en fait ou simplement différentes de ce qu’il les sup-pose. Une revue rapide de tous les personnages ,de second plan, évoluant ainsi qu’en une lanterne magique dans l’angle lumineux formé par la vision du maître, nous les montrera se dédoublant tous fatalement d’après la formule Bovaryque, usant, abusant de la faculté qu’a l’homme de se concevoir au-trement qu’il n’est, et ne parvenant jamais à se saisir eux-mêmes. Frédéric Moreau, victime d’une fausse conception de sa sensibilité, l’est aussi d’une fausse conception de son intelli-gence ; l’ayant jugée artistique, il attend la révélation soudaine d’un don qui va le sacrer poète, peintre ou musicien ; aucune de ces vocations ne se déclare, et ce faux espoir secondé par une mollesse native s’oppose à tout effort ayant pour but de développer les facultés plus humbles qu’il renie, dont il est doué, et qui l’eussent pu servir dans la vie. Deslauriers, son ami d’enfance, préparé par une même édu-cation, en proie à une analogue tendance cultivée en commun, pendant les années de collège, trahit sous une autre forme une conception également chimérique de lui-même et de la vie. Peu préoccupé du sentiment et dédaigneux de l’amour, son a moi » n’en est pas moins annihilé par la fascination d’un but vers lequel ne tendent pas ses propres aspirations, par un prin-cipe d’imitation qui lui impose des actes irréalisables pour lui. Il croit, d’après Balzac, au jeune homme pauvre qui, surgis-sant de sa province, à force d’audace conquiert Paris; l’exemple des Rastignac, des Lousteau fait miroiter devant ses yeux les possessions de la fortune et du pouvoir, les assouvissements de l’ambition, les jouissances de la domination . Il s’est enthou-siasmé d’un idéal d’énergie volontaire ; il croit qu’il suffit « pour obtenir les choses de les désirer fortement ». Le Julien Sorel de Stendahl s’accordant dix minutes pour déclarer son amour à Mme de Raynal hante son imagination. Mais pas plus que les sentiments, les désirs ne s’improvisent et c’est en vain pie. pour appliquer sa formule, il se prescrit expressément des

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actes de volonté à accomplir : ces vouloirs, qui ne sont point issus de la vérité de sa nature, de la spontanéité de son désir, n’ont point cette énergie qui fait « obtenir les choses » et se bri-sent piteusement contre les réalités. C’est ainsi que s’étant prescrit, au mépris de son amitié pour Frédéric, de devenir l’amant de Mme Arnoux, il ne réussit qu’à se faire congédier ; c’est ainsi que plus tard, après qu’il a profité du dépit de Louise Roques, délaissée par ce même Frédéric, pour en faire sa femme, celle-ci s’enfuit avec un chanteur. En toutes choses son entêtement à s’imaginer autre qu’il n’est, le mène à des avortements ; jamais la conception de son rêve n’en engendre la réalisation et son parti-pris d’être malgré lui-même un homme d’action façonnant les circonstances et dominant la vie n’en fait qu’un Bovaryque de la volonté. Est-il besoin de retracer la caricaturale silhouette du phar-macien Honnis ? Celui-ci incarne le Bovarysme intellectuel : l’esprit surexcité par les mirages du progrès, l’imagination surchauffée par la vulgarisation des idées philosophiques, il s’est épris d’un idéal scientifique dont la médiocrité de son in-telligence et l’insuffisance de son instruction lui interdisent l’accès. Mû par un mobile de vanité et sous l’influence d’une prétention native, il prend ses enthousiasmes pour des apti-tudes et son admiration pour la possession. De même que Mt ne Bovary a déformé les sentiments pour les adapter aux modes de sa sensibilité, il déforme les idées, les étrique et les rogne afin de les pouvoir retenir, comme en un lit de Pro-custe, dans l’étroite cavité de son cerveau. Pour lui tenir lieu de tout ce qu’il ignore, pour dissimuler l’abîme qui sépare le savant et le penseur, qu’il croit être, du sot présomptueux qu’il est en réalité, il a ramassé dans la petite presse tous les lieux communs sur le progrès et sur le cléricalisme; quelques bribes d’histoire allant de la Saint-Barthélemy à la Terreur blanche, s’est fait une érudition de prospectus et d’almanach; comme il ne possède aucune science positive qui le puisse mettre en garde contre des renseignements et des opinions puisés à des sources frelatées, toutes ces idées reçues, toutes ces connais-sances de: seconde main prennent la place de sa personnalité, et ce mélange de nullité, de prétention, d’ignorance, produit cette mascarade qui donne à chacune de ses phrases une allure

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de comédie. Le voilà se carrant dans son rôle de savant, gon-flant son personnage à le faire éclater, imprimant à sa voix des inflexions solennelles, aux plis de sa redingote une ampleur officielle, s’emplissant la bouche de mots techniques et ron-flants, s’entourant d’un air d’importance et de supériorité. Pour ridicule et simplement risible qu’il apparaisse, le person-nage ne laisse pas pourtant que d’être dangereux lorsque sa vanité est en jeu. S’il suggère à Mm. Bovary l’idée de l’opéra-tion du pied-bot, c’est parce que, s’estimant un des principaux citoyens d’Yonville, il a jugé bon que cette commune acquit une notoriété de nature à rehausser sa propre importance. Il a donc décidé qu’Yonville, pour se mettre au niveau, devait avoir des opérations de stréphopodie. C’est par cette vanité toujours agissante, que le mensonge qui cst en lui produit ses effets funestes. Voici Pellerin à la recherche d’un amateur de tableaux ; ébloui par les splendeurs de l’art, peintre au même titre que le pharmacien est un penseur et un savant, en réalité, un esthé-ticien qui confond ses facultés critiques avec des facultés ac-tives et prend ses enthousiasmes pour un don d’exécution ; dénué d’inspiration personnelle, hanté par les procédés des grands maitres, et toujours espérant suppléer la nullité de son tempérament artistique par un effort de compréhension. Aussi, pour fortifier le mensonge intérieur qui lui donne l’illusion de son génie, comme il revêt avec soin toutes les apparences ex-térieures de l’artiste qu’il veut être, comme il possède toute la terminologie technique du métier, comme il s’entoure de tout le décor, de tous les accessoires de son art I Heureux lorsque parfois l’illusion des autres s’amalgame avec la sienne et prête main forte à son Bovarysme, lorsque Frédéric visitant son atelier, désireux et convaincu d’aimer la peinture, admire celle qu’il lui montre et qu’il croit faire. Voici, Arnoux, une ébauche de Bouvard, un Bonivard avant Pécuchet, tour à tour peintre, marchand de tableaux, faïencier, se croyant propre à tout parce qu’aucune impérieuse et réelle vocation ne limite ses aspirations, expiant par. la faillite son universelle incompétence et la présomption de ses essais mul-tipliés ; puis Delmar, le chanteur de cafés-concerts, devenu ac-teur de drame, incapable de résister à la suggestion de ses

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rôles : les personnages qu’il représente à la scène ayant banni de son être tous vestiges d’individualité propre, la foule avide d’incorporer son idéal, a installé dans ce cerveau vidé la fiction qui sert d’exutoire à ses besoins d’enthousiasme. Désormais, Delmar incarne le peuple ». H a une mission sociale, il est devenu Christ et Sauveur. Son illusion, fortifiée par le désir de tous, par le commun amour du mensonge, lui a inspiré une foi si complète en sa nouvelle identité que le voici, en quarante-huit, se portant candidat aux élections de la Seine et s’offrant pour réduire à lui seul une émeute en montrant sa tête au peuple ! Enfin voici le cortège des Bovaryques politiques, des Sénécal, des Dussardier, des Regimbard, des Compain, caricatures si-nistres, jobards attendrissants ou fantoches grotesques; Sénécal « un futur Saint-Just » arraché à la réalité de son tempérament par l’attraction fascinatrice de l’histoire ; Dussardier, héros naïf à l’âme de peuple, halluciné par les idées de justice et de fraternité, condamné par son ignorance à prendre les mots pour des choses et à être la proie de la première volonté étran-gère qui imprimera une direction à sa combativité. Tous deux sont doués d’une active énergie, aussi le mensonge qui les gouverne va-t-il se traduire autrement que par la bêtise des paroles et la comique affectation des attitudes, — par des actes dramatiques. Avide d’infliger sa volonté, d’âme dure et im-pitoyable, Sénécal, après avoir payé son tribut de souffrance au rêve humanitaire auquel il s’était voué, dépouille brus-quement son personnage d’emprunt, et devenu agent de police, c’est lui qui, par un de ces incidents romanesques si rares dans l’oeuvre de Flaubert, tue de son épée au milieu d’une émeute le brave commis que ses déclamations ont. naguère endoctriné. Regimbard appartient à la pure comédie; des deux termes antagonistes, le réel et l’imaginaire dont les rapports divers constituent l’âme humaine perçue par Flaubert, le premier a Fresque entièrement abdiqué ; il n’y a donc plus de lutte, plus de drame à redouter ; c’est ici le domaine de la caricature et du rire. Qu’importe que des êtres veules, sans originalité propre et sans consistance réelle soient meublés de sentiments et d’idées recrutés autour d’eux dans l’exemple ? ces mobiles

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empruntés ne trouveront pas dans les âmes inertes des per-sonnages la sève qui les ferait reverdir, pousser et jaillir en actes extérieurs, en manifestations efficaces ; la mascarade va s’en tenir à une promenade décorative et c’est avec une entière gaîté que le spectateur assiste aux ébats bouffons du grave fan-toche dont la solennité s’étale dans l’inconsistance de l’être réel. 1)e personnalité nulle, Regimbard s’est institué répu-blicain et patriote parce qu’il faut bien être pourtant quelque chose. Il a la haine de l’Angleterre et veut prendre le Rhin. « Delenda est Carthago. Il prétend se connaître en artillerie et il lui suffit pour entretenir son illusion de se faire habiller par le tailleur de l’École polytechnique. Par quelques pro-cédés aussi simples, par l’invariabilité des attitudes, la rigidité inflexible du masque, la profondeur d’un silence obstiné, il en impose à son public ordinaire, la clientèle des cafés qu’il fré-quente l’appelle e le Citoyen o ; il passe pour un penseur et pour un grand homme; sa femme partage cette opinion et plus tard les petites ouvrières de Alma Regimbard seront malheu-reuses dans leur ménage parce qu’elles l’auront conservé comme idéal. A ce dernier plan de l’oeuvre de Flaubert grouillent tous les personnages en grisaille auxquels l’intérêt personnel, la pro-fession, la caste et le milieu social ont imposé leur concep-tion d’eux-mêmes, leurs idées, leurs sentiments et leurs actes ; ils révèlent l’étroite corrélation qui rattache tous les ‘phénomènes moraux réunis en faisceau par la vision du maître aux phénomènes de l’hypnose : dans une des phases parti-culières à cet état, l’hypnotisé auquel on présente un objet ac-complit aussitôt sans relâche le mouvement dont cet objet sus-cite l’idée ; un ouvrage de tricot placé entre les mains d’une femme provoquera de sa part l’action de tricoter qu’elle exé-cutera sans cesse, jusqu’à ce que le magnétiseur la réveille ou lui inspire un autre acte par un semblable procédé. C’est ainsi que le notaire MareScot, à la vue des panonceaux dorés qui or-nent le portail de sa maison, conçoit toute sa personne morale, les attitudes et les paroles congruentes aux actes de son mi-nistère, les opinions qu’il doit pratiquer, les sentiments en rapport avec sa situation officielle; cette simple contemplation lui suggère la conduite à tenir pendant tout le cours de sa vie,

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il ignorera, grâce à ces bienheureux emblêmes, les affres des incertitudes, les tourments des luttes intérieures ; il évoluera dans l’existence avec une automatique sûreté, se mariera, ma-riera, grossoiera, mourra dans des formes parfaitement déter-minées auxquelles il ne pourra se soustraire. L’écharpe muni-cipale du maire Foureau lui rend le même office qu’à l’heureux tabellion sa plaque armoriée. Le jeune vicomte de Cisy s’hyp-notise lui-même sur le pommeau de son stick, et l’introduction de ses mains dans la peau souple de ses gants jaunes lui révèle ses facultés, sa raison ‘d’être, les modes de sa sensibilité, toute sa philosophie de la vie. Dans sa qualité de gentilhomme et de riche propriétaire terrien, le comte de Faverges découvre son âme et ses aspirations, la mesure de ses ambitions, tout l’ar-senal de ses opinions politiques, religieuses et sociales. Le Bournisien, l’abbé Jeufroy, revêtent avec leur soutane toute leur personnalité morale ; elle est le talisman qui leur inspire toute la série des actes à accomplir, l’onction des pa-roles consolatrices, la sévérité des remontrances, la dignité du maintien, la foi, la charité et qui soudain les initie aux lettres et aux sciences, les gratifiant d’opinions très précises sur l’art et le théâtre, l’histoire et la géologie. Bon prêtre d’ailleurs, le curé Bournisien est catholique et dévot comme Homais est libre penseur et voltairien ; ses raisons de croire aux dogmes qu’il enseigne sont équivalentes à celles qui induisent l’apo-thicaire à être « pour la profession de foi du vicaire savoyard et les immortels principes de 89 », à croire à un être suprême qui l’a placé ici-bas pour y remplir ses devoirs de citoyen et de père de famille. Une égale ignorance, une égale incom-pétence les met à la merci de la première suggestion qui, une fois pour toutes, imprime à leur activité une direction inva-riable. Parfois, un mobile violent surgissant soudain, l’intérêt, la peur, suffit pour bouleverser la conception que le personnage avait de lui-même. Dans L’Éducation sentimentale, dans Bon-vard et Pécuchet, Flaubert a écrit des pages à la Tacite sur ces brusques évolutions, sur ces transformations causées par la peur dans les consciences. Lors de la chute de Louis-Philippe, M. Dambreuse, le riche banquier, découvre qu’il a toujours été républicain; il sç réjouit des événements, déclare sa sympathie

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pour les ouvriers, et Martinon qui l’accompagne chez Frédéric pense qu’il faut se rallier à la République, parle de son père laboureur, fait le paysan, l’homme du peuple. — Les choses se passent de même à Chavignolles : le comte de Faverges oublie qu’il est légitimiste pour ne se souvenir que de sa haine contre les d’Orléans. a On ne les reverrait plus. Bon voyage. Tout pour le peuple désormais. » Le curé Geoffroy bénit l’arbre de la liberté et dans son allocution tonne contre les rois, glorifie la République. g Les puissants alors flagornaient la basse classe. Tout passait après les ouvriers. On briguait l’avantage de leur appartenir. Ils devenaient des nobles. » Et on sent que tous ces fantoches n’ont pas même le courage et la franchise de leur peur; une pudeur les empêche de se contempler dans leur réalité ; leur faculté de se concevoir autrement qu’ils ne sont se met en branle aussitôt, pour leur épargner la pleine conscience de leur palinodie. Ils s’efforcent de se duper eux-mêmes : le mensonge qu’ils se forgent est un palliatif au men-songe qu’ils font aux autres, et à entrer ainsi dans l’illusion de leur rôle, la comédie leur devient plus facile. La nullité de leur tempérament leur a permis de prendre le change sur le mobile qui les détermine, et de farder la peur des couleurs de la bonne foi, des apparences d’une conviction personnelle. Cette fallacieuse évolution à laquelle s’allie une duplicité, dont il est hasardeux de faire la part, déconcertante, il est vrai, pour le jugement du moraliste, n’intervient-elle pas le plus souvent dans les actes humains Les purs coquins sont rares, et nous ne les concevons tels que pour satisfaire nos besoins d’indigna-tion, pour n’être pas entravés dans notre courroux par l’admis-sion des circonstances atténuantes; dans la réalité, la bêtise tempère presque toujours. la bassesse des instincts, la bêtise, telle que la conçoit Flaubert, une duperie de soi-même. Cette bêtise spéciale découle par un lien fatal de la fausse conception d’eux-mêmes, propre à tous ses personnages : après les avoir contraints d’exécuter des actes auxquels ils sont par-ticulièrement inhabiles, elle s’épand dans les idées, se carre dans les paroles, se délaie dans les conversations ; nous avuus vu comment Mine Bovary, Frédéric Moreau, Homais, Pellerin, pour entretenir l’illusion qui les égale au modèle fascinateur,. sont tenus de falsifier, et de déformer les sentiments

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et les idées inaccessibles à l’aridité de leur coeur ou à la faiblesse de leur intelligence : ils échangent entre eux les opinions issues de cette sophistication et font sonner dans leurs discours la note discordante qui s’élève de leur âme adul-térée. Que l’on se souvienne des deux conversations entre Emma et Léon dans l’auberge d’Yonville et dans l’hôtel de Rouen, et de la discussion sur le théâtre entre Homais, le curé Bournisien, Binet et Bovary, puis, dans l’Éducation senti-mentale, des réunions chez Frédéric, dù punch chez Dussardier et, danS Bouyard et Pécuchet, des questions posées par les deux amis au curé Jeufroy, de ces étonnantes controverses auxquelles prennent part le comte de Faverges, son intendant, le maire Foureau, Marescot, Mme de Noares, la dame de com-pagnie du château, et, lorsqu’il s’agit d’un point de théologie, Reine, la servante du curé. Aucune des opinions exprimées n’est basée sur un fait positif, sur une raison de nature à la justifier; toujours elle a pour origine un enthousidsme, un parti pris, l’intérêt, la position sociale ou la profession, et gràce à l’évolution bovaryque, gràce à l’ignorance qui la faci-lite, ces mobiles de _sentiment et d’intérêt prennent la force et l’apparence d’un argument et déterminent des convictions.
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Bouvard et pécuchet méritaient de tenir une place à part parmi les personnages mis, en scën,e par Flaubert. Ils ne sont plus, comme les précédents, des individualités isolées ne te-nant leur valeur représentative que de l’abstraction instinctive faite par la vision de l’artiste, ou des types dont la généralité est restreinte dans les limites d’une démarcation sociale, d’une catégorie d’êtres soumis à des influences semblables; ils ont eux, la valeur d’un symbole ; ils incarnent l’humanité ; la re-présentation artistique dont ils sont l’objet a été précédée d’une abstraction philosophique qui les a dépouillés de toutes parti-cularités trop contingentes et ne leur a laissé que les tendances

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communes à tous les hommes. En eux donc, la faculté d’évo-lution perçue par Flaubert dans tou.cs les consciences indivi-duelles va s’incorporer, va fonctionner ouvertement comme le rouage principal, moteur de la machine tout entière ; ce jeu intérieur de. sera plus masqué par la complexité des mobiles qui surgissent simultanément dans l’âme des autres personnages et dirigent tour â tour leurs actes. Harnais, par exemple, se conçoit autre qu’il n’est, savant et penseur profond, sous l’in-fluence d’un double mobile ; l’absence d’esprit critique n’est pas le seul agent de l’opération mentale qui lui fait prendre son admiration de la science pour la possession de la science : ce défaut de critique est secondé par une excessive vanité, et ce mobile complémentaire, en l’incitant à une duperie des autres plutôt que de lui-même, nuit à la netteté de l’évolution bovaryque, lui substituant, dans une proportion inappréciable, un principe étranger suffisant polir déterminer l’accomplisse-ment de l’acte. C’est ce mélange des causes déterminantes qui rend le personnage du pharmacien, tantôt comique, lorsqu’il déroule, sous des mots pompeux, le vide de sa pensée, tantôt adieux lorsqu’il fait interner dans un hospice le mendiant qu’il a vainement tenté de guérir d’un mal d’yeux. Cette confusion de mobiles, empiétant les uns sur les autres, ne se manifeste plus dans les actes exécutés par l3ouvard et Pécuchet : s’ils se conçoivent autres qu’ils ne sont, c’est sans l’intervention d’aucun principe d’intêrêt, spontanément, et en vertu d’une évolution fatale qui semble être la loi de tout organisme hu-main; s’ils montrent, parfois, une inoffensive vanité. elle n’est pas, à vrai dire, le motif qui détermine leurs actes, elle ne vient qu’après et lorsqu’ils ont acquis la faculté de percevoir la bêtise; ce sentiment existe en eux pour qu’aucune des pas-sions inhérentes au coeur humain ne leur soit tout à fait étran-gère; mais il n’entraîne aucun effet malfaisant; tous deux re-présentent une humanité sympathique et pitoyable et l’élément qui prédomine dans leur cerveau est le désir de savoir, une soif de certitude, une aspiration toujours tendue vers la réso-lution des problèmes qu’ils entrevoient et toujours déçue. Flaubert, transportant dans la philosophie sa vision d’artiste, a constaté ce bovarysme irrémissible de l’homme, toujours ce mal de la pensée et de l’imagination qui l’incline à se concevoir

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autrement qu’il n’est, à méconnaître ses instincts réels pour céder à l’attraction des problèmes qui l’environnent et le fas-cinent, à briser toujours l’effort de son cerveau contre le mûr mystérieux qui lui dérobe la vue de l’absolue vérité, ou plutôt à imaginer, hors de la portée de son intelligence et de ses sens un au-delà dont la perspective devient plus lointaine après chaque effort fait pour l’atteindre. Il a signalé cette dis-proportion formidable entre les interrogations posées par l’in-quiétude de notre esprit et nos moyens d’y répondre. Quelle influence singulière nous arrache ainsi à nous-mêmes et à l’heure présente, dresse l’idée en face de l’instinct, créant à côté de nos besoins réels des besoins imaginaires auxquels nous donnons l’avantage ? Ce principe hystérique qui s’élève du fond même de notre nature comme un mode à rebours de notre sensation exaspérée, ce principe qui a donné naissance à toutes les théogonies, à tous les systèmes philosophiques et à toutes les sciences, Flaubert l’étreignant sous ses deux formes, en a exprimé l’inexorable ironie, en a dévoilé le(‘ -eloppe-ment fatal dans un double effort, dans cette amère lamenta-tion, La Tentation de saint Antoine, dans cette comédie cari-caturale, Bouvard et Pécuchet. Il a fait comparaître:dans le premier de ces livres, toute la série des religions glorifiant tour à tour ou méprisant la chair ; se détruisant mutuellement par des affirmations inconciliables ; il les a montrées comme les rêves successifs et incohérents de la cervelle humaine. Dans le second, il a évoqué tous les systèmes scientifiques, toutes les notions acquises, toutes les idées philosophiques, et ar-mant comme des gladiateuis ces échantillons de la Connais-sance, il les a poussés dans l’arène afin qu’ils s’effectuent sous le heurt des démentis brutaux, avec le glaive des fla-grantes contradictions. Peut-être objectera-t-on que les nom-breuses déceptions, les insuccès multipliés subis par des fan-toches tels que Bouvard et Pécuchet ne prouvent rien contre l’absolu de la science ? qu’en choisissant des êtres aussi in-consistants, Flaubert a enlevé beaucoup de Éorce à l’idée qui se dégage de son livre, soit, comme l’a dit M. de Maupassant, la démonstration de l’ « impuissance de l’effort, la vanité de l’affirmation et toujours l’éternelle misère de tout ». Ce pessi-misme n’est, en effet, que la métaphysique supérieure du livre

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qui contient aussi un point de vue psychologique plus voisin de nous. Flaubert, dominé par son tempérament d’artiste, n’a pu se résoudre à faire seulement une oeuvre de penseur, à ma-nier des idées abstraites sans les incorporer dans des types, dans des personnages vivants : c’est dans les replis de leurs cerveaux qu’il suivra la marche incertaine de l’idée. Donc Bou-yard et Pécuchet incarnent un mythe qui comporte deux de-grés d’initiation : s’ils symbolisent d’une façon transcendante l’humanité, l’intelligence, ou plutôt l’illusion humaine, ils per-sonnifient aussi l’homme moderne, arrivant dans la vie avec des facultés à peu près semblables à celles de ses premiers an-cotres et se trouvant en présence de l’infinité des idées philoso-phiques, morales, littéraires et scientifiques élaborées par les dix-huit siècles de notre civilisation, greffée sur les acquêts des sociétés helléniques et du monde latin. Le développement de ‘ l’instruction prodiguée à tous, la diffusion par la presse des idées générales, des aperçus sur toutes choses, donnent à cha-cun la conscience de l’effort accompli et soulèvent un senti-ment d’admiration pour les résultats acquis ; .et ce sentiment d’admiration, de vénération pour la science, est d’autant plus vif que’ plus grande est l’ignorance de ce tard venu dans ce monde trop vieux ; les facultés de foi et d’enthousiasme ne sont-elles pas en raison inverse des facultés de compréhension ? Bouvard et Pécuchet sont doués de ce sens de la vénération : ils sont très ignorants et de plus dépourvus de tout goût par-ticulier qui puisse incliner vers une unique direction l’énergie de leur tempérament, les absorber et les satisfaire par la per-pétuité d’un plaisir toujours renaissant. Ainsi faits, ils sont facilement dupes de tous les mirages qui les environnent ; la pensée humaine dresse autour d’eux ses sommets et les solli-cite avec une égale insistance sous toutes ses faces ; pleins de foi et poussés par la seule force de leur admiration, ils abor-dent avec intrépidité tous les problèmes, et de même que Mm ‘Bovary, sous. l’influence de l’exaltation romantique, prend le change sur sa propre nature et se croit faite pour éprouver les tendresses idéales d’un chimérique amour, de même Bou-yard et Pécuchet confondent l’enthousiasme que leur inspirent les arts et les sciences avec une aptitude à les comprendre et à les appliquer ; c’est cette fausse conception d’eux-mêmes qui

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cause leurs mécomptes perpétuels ; c’est cette disproportion entre les rôles qu’ils se croient propres à tenir et l’absence de toutes les qualités requises pour les remplir qui fait naître lèurs promptes déconveliues et fait Saillir le côté cornique de leurs personnages. Flaubert a su accentuer ce relief comique en attribuant à chacun d’eux un semblant de tempérament et en faisant accomplir par l’un, à charge de réciprocité, les actes appropriés& la nature de l’zeutre et en désaccord flagrant avec ses propres tendances. Bouvard, plus sanguin, enclin aux plai-sirs de la chair et à ceux de la bonne chère, bon vivant et d’humeur grivoise, paraît plus propre à subir les excitations du monde extérieur ; entraîné par Pécuchet dans les spéculations de la philosophie transcendantale, il s’y lance éperdûment et l’esprit confondu par les contradictions des systèmes, tombe dans le scepticisme. Son incompétence notoire n’ajoute-t-elle pas au comique de la situation, lorsqu’à la suite d’une discus-sion Pécuchet constate l’état d’âme de son ami. « Ce fut une surprise, un écrasement, Bouvard ne croyait même plus à la matière. » Pécuchet plus cérébral, d’humeur plus morose et de sens plus réfléchi, semble offrir plus de prise aux fasci-nations de l’idée pure ; c’est lui qui, après avoir été le té-moin furtif d’une scène de passion, veut pénétrer dans ce monde inconnu pour lui de l’amour ; subjugué par la puis-sance de l’exemple, il &imagine qu’il est propre à le ressentir et à l’inspirer, et après s’être renseigné auprès de Bouvard, il se livre, avec leur petite bonne Mélie, à des expériences dont le résultat lamentable a bientôt fait de détruire son illusion et de le dissuader de nouvelles tentatives. C’est ainsi que, se com-plétant l’un l’autre par des ombres d’inclinations, Bouvard et Pécuchet s’entraînent tour à tour dans leur sphère réciproque afin de rendre plus criarde encore la dissonance qui toujours éclate entre leurs essais et leurs moyens de les réaliser ; et après chacune de leurs expériences, ce qu’il nous faut t.onsta-ter, c’est l’antagonisme indestructible entre le tempérament du personnage et les goûts qu’il se suppose, lés buts divers qu’il s’est proposé d’atteindre, l’idéal dont il s’est engoué. D’ail-leurs, en dehors de ces nuances légères, indiquées entre Bou-yard et Pécuchet, pour les distinguer l’un de l’autre et souli-gner l’inanité de leurs efforts, leur vraie caractéristique est de

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n’avoir aucune vocation spéciale, aucune accentuation de tem-pérament : ils n’ont que le degré d’être et de consistance né-cessaire pour pouvoir prendre toutes les formes de la vie dès qu’une circonstance fortuite leur imprime une direction ; c’est ce néant, ce défaut de tout amour déterminant qui leur fait adopter tour à tour les occupations les plus diverses, aborder les études les plus dissemblables; c’est parce qu’aucun goût dominateur ne les dirige vers la chimie plutôt que vers la mé-decine, vers l’agriculture ou le jardinage plutôt que vers l’ar-chéologie, la philosophie ou l’économie politique, qu’ils sont ainsi attirés par chaque manifestation de l’humaine activité, aimantés vers chaque point lumineux de la science et de la pen-sée, et que, n’étant point retenus par l’assouvissement d’une intime satisfaction, ils s’en lassent aussitôt, rebutés par l’in-succès, résultat de leur inaptitude, par les contradictions des savants, d’autant plus apparentes •à leurs yeux et concluant d’autant plus à la vanité de la science tout entière qu’ils ne sont point eux-mêmes attachés à une opinion personnelle et préférée. Leur vie n’est qu’une comédie perpétuelle qu’ils se jouent à eux-mêmes, un continuel effort pour aimer et pour com-prendre: ils s’efforcent au Louvre de « s’enthousiasmer pour Raphaël » ; ils essaient de prendre des notes au cours d’arabe du Collège de France; comme Mme Bovary, croyant que cer-tains pays privilégiés, certains sites et des décors extérieurs sont propres à susciter des états d’âme, à produire l’amour, de même Bouvard et Pécuchet croient qu’il existe une recette infaillible et précise pour devenir artistes et savants; ils la cherchent dans les manuels spéciaux, tâchent de l’appliquer ; mais bien qu’ils reproduisent de leur mieux le costume, les gestes et toutes les apparences extérieures des savants qu’ils Veulent être, toujours leur incapacité et leur ignorance fon-cière, aboutiSsent à un cataclysme lorsqu’ils se heurtent à une réalité. S’étant imaginé d’être géologues, ils achètent le Guide du voyageur géologue de Boné, et dociles aux recomman-dations du livre, se munissent d’un hâvre-sac, d’une trousse, s’arment de l’immense bâton du touriste et n’hésitent pas à prendre la qualité d’ingénieiars; ils parviennent ainsi à écha-fauder l’illusion du personnage qu’ils ont résolu d’être, et en

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véritables don Quichotte, croient du premier coup avoir trouvé l’objet de leurs recherches : pensant découvrir un poisson anté-diluvien, ils déterrent un vieux mât qui soutenait une falaise et risquent de produire un formidable éboulement; le garde-champêtre et un douanier les arrêtent. Et comme ils vont au bout de chacune des aventures qu’ils- entreprennent, toujours la réalité vient briser implacablement le mensonge forgé par leur imagination. Faut-il donc s’en prendre à la vanité de la science, si les deux compères échouent dans leur tentative d’exploitation agricole, si le microscope dont ils ne savent se servir, leur cache les objets au lieu de les grossir, si l’alambic dans lequel ils con-fectionnent la l3ouvarine éclate, menaçant de les tuer ? Recher-chant la cause de cette dernière infortune, l’idée leur vient qu’elle consiste peut-être en ce qu’ils ne savent pas la chimie. Et de fait, il y a toujours quelque chose qu’ils ne savent pas, quelque chose d’indispensable à connaître pour assurer le succès de leurs diverses entreprises. Et à chaque page se manifeste l’effroyable disproportion entre les désirs que font surgir en eux toutes les découvertes annoncées de la science et leur incapacité d’en jouir, de les comprendre, de les appliquer; toujours et partout le défaut de vocation, toujours un abîme entre leur point de départ et le but à atteindre. Mais c’est aussi par là qu’ils symbolisent l’humanité, c’est ici qu’apparaît de nouveau cette conception d’un Bovarysme métaphysique, cette disproportion démesurée entre les buts que se propose l’esprit humain et les misérables résultats de ses recherches. L’homme n’est-il pas, vis-à-vis des, suprêmes interrogations que l’inquié-tude de son âme lui pose, dans la même situation que l’igno-rant de notre époque, auquel une demi-instruction a suggéré le désir de connaître toute la science, sans lui fournir la puis-sance de la posséder ? Tous les problèmes résolus ont-ils apporté un apaisement à l’angoisse de son esprit ? N’en est-il pas vis-à-vis des questions essentielles qui l’agitent, malgré toutes les apparences de progrès réalisés, au même point que son aïeul des tribus pastorales ou errantes ? La même ignorance ou les mêmes fictions ne répondent-elles pas aux mêmes préoccupations de son âme ? N’ignore-t-il pas toujours d’où il. viens et où il va ? Et 4uain aux progrès accomplis, ont-ils fai t

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autre chose que déplacer sa souffrance ? Le désir d’augmenter son bien-être ou son bonheur, aiguillon de toutes les décou-vertes, n’est que l’éternel appât qui l’incite à remplir sa loi, l’incessante duperie qui le contraint d’accomplir l’évolution de son esprit : sa destinée est d’atteindre à la civilisation, de prendre connaissance du inonde qui l’environne, d’en décou-Vrir les lois et les secrets ; il faut donc qu’il s’imagine avoir un intérêt personnel à faire ces découvertes; il le croit, se met au labeur, et trouve les lois des nombres, les propriétés des corps de la nature, apprend à connaître et à utiliser des forces nou-velles. Mais chaque satisfaction accordée à ses besoins de bien-êtrè, fait surgir en lui de nouvèaux besoins ; déjà il ne jouit plus de l’asSouvissement procuré à ses désirs anciens, niais il souffre dé ne pouvoir contenter ses pluà récentes convoitises et son esprit tourmenté- s’ingénie à de nouvelles recherches. Toujours le même espoir d’accroître son bonheur est le but qu’il poursuit,- inlasSable; ce but est vain,. cet espoir est un letirre et ce n’est pas à lui que ses efforts profitent; ils augmen-tent le nombre de ses connaissances et non le nombre de ses joies; ce n’est point ce qu’il en espérait, il a été dupé ; il y a un génie de la Connaissance comme il y a un génie de l’Espèce. Croyant servir ses intérêts, l’homme n’a fuit qu’accomplir la loi de son être d’une façon à peine un peu plus compliquée que le corps qui cède à l’attraction de l’aimant, que le fruit qui se développe et mûrit au soleil Le but imaginaire qu’il pour-suivait n’est qUe le ressort de son évolution ; il se dérobe au moment d’être atteint ; dès qu’il a rempli sà fonction de moteur en. communiquant à la machine humaine l’ittiptilsién qui la ,ponte en avant, il se retire brusquement pour aller de nouveau sé tendrenti’peu plus loin. Le philosophe, qui comme Flaubert, a pétiétiré la duperie de ce secret mécanisme, sait que tous les buts sont vains. a Oui, la bêtise consiste à vouloir conclure », dit-il dans une lettre à Louis Bouilhet, et cette définition qui étreint toute la bêtise hittnaine, s’applique très spécialement à la bêtise de Bouvard et de Pécuchet car ceux-ci ne s’intéressent à chaque science particulière, que pour les applications qu’ils en veulent faire ; les conclusions seules leur importent et jamais ils ne possèdent’ les éléments d’une conclusion. La vocation leur fait défaut, la

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spontanéité, l’amour créateur de l’hallucination bienfaisante qui, extériorisant lé rêve, fait croire à sit possession. Il sait aussi ce philosophe, que si, à l’itiverse de ses deux héros, des savants véritables consacrent leur vie entière à rechercher des vérités ardues, érigent des systèmes absolus en face d’autres systèmes absolus, sans être rebutés par ces incompatibilités, persévèrent dans des application3 démenties constamment par des expé-riences contraires, c’est parce que ceux-ci ont l’amour de la re:herche et •de la science pour elles-mêmes, ont la vocation qui aveugle leur critique, sont soutenus par un goût personnel, qui n’est en quelque sorte qu’une forme supérieure de l’ins-tinct ; comme les oiseaux construisent leurs nids en vertu d’une impulsion fatale qui les dirige, ils construisent la science e suivant les données fournies par un coin de l’étendue » et cette science, « peut-être comme le pense Bouvard, ne con-vient-ele pas à tout le reste qu’on ignore, qui est beaucoup plus grand et qu’on ne peut découvrir p. Quant à son utilité, à sa raison d’être, elle n’en a d’autres que de répondre au déve-loppement fatal de l’intellect humain ; indifférente à notre bonheur, elle n’est, malgré les. espérances que nous fondons sur elle, que l’un des modes de réalisation de la loi supérieure, qui, à teivers les mille- variétés de la vie individuelle, à travers les mille accidents de nos volontés, préside à notre évolution et nous pousse, sans profit pour nous,. de la barbarie à la civili-sation et aux lentes dissolutions de la décaience, de sorte que la vanité de tout se confond avec l’illusion de tout, Quelles seront les applications pratiques d’une telle con-ception de la vie? A quelles attitudes, à quels actes sera dé-terminé l’esprit conscient de cette duperie, de. cette farce cos-mique? L’Orient, enclin aux longs assoupissements, aux déta-chements de la personnalité, répond par l’opium. du Nirvanah : — Abolis ces désirs et ces vouloirs dont tu connais la vanité, ne commets aucun acte, étouffe toute idée dans son germe, clos tes sens aux perceptions extérieures, ta conscience au songe intérieur, renonce à tous les caractères individuels qui cons-tituent l’infirmité de ton moi, rentre, absorbe-toi dans l’être universel qu’aucune détermination ne trouble ainsi qu’un mauvais rêve, évanouis-toi sans crainte dans les abîmes de la vie sans forme et sans pensée. —

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Travaillé par les ferments d’action que roulent dans ses veines d’occidental les globules de son sang gaulois, Gustave Flaubert incline vers une solution tout autre, moins mystique et plus conforme au tempérament de sa race. Elle est résumée dans la lettre déjà citée à Alfred Le Poittevin, dans le « Sibi Constat » du poète dont il livre à son ami la pacifiante formule. « Enfin, dit-il, je crois avoir compris une chose, une grande chose, c’est que le bonheur pour les gens de notre race est dans l’idée et pas ailleurs. Cherche quelle est bien ta nature et sois en harmonie avec elle. « Sibi constat », dit Horace ; tout est là. » — Si les buts sont illusoires, l’effort approprié ne l’est pas ; si l’an, la science et la philosophie ne sont autre chose que des manifestations de notre activité au même titre que le travail manuel et le déploiement de la force physique, elles n’en renferment pas moins un principe d’in-térêt légitime : la force du goût qu’elles inspirent. L’illusion consiste à croire qu’elles ont un but utile et que le bonheur réside ailleurs que dans l’énergie même de ce goût individuel, dans, la possession d’un résultat. Il importe seulement à chaque homme de connaître ses aptitudes et ses tendances, au milieu de toutes les suggestions d’idées et de sentiments étran-gers, de distinguer ses propres aspirations,• de savoir découvrir sa vocation spéciale et de l’adopter, de chercher sa loi et de l’accomplir. Le bonheur réside dans cette conformité entre la destination de notre principe actif et l’application que nous en faisons : le plaisir de cette intime concordance nous masque la vanité du but et nous épargne d’y songer. Donc, ayant acquis cette précieuse connaissance, « travaillons sans raisonner » selon le précepte de Martin, et aux insinuations maladives du rêve, aux arguments captieux de l’analyse, répondons comme Candide : « Cela est bien dit, mais il faut cultiver notre jardin. » Flaubert a trouvé luis.. l’accomplissement de sa tâche litté-raire cet équilibre de sa nature. « La lassitude de l’existence, écrit-il à Le Poittevin, ne nous pèse pas aux épaules quand nous composons. » Et si la plupart de ses personnages sont déchirés par la Imite des éléments contradictoires, quelques-uns rencontrent l’apaisement et le calme dans la perpétration d’une tâche réputée inférieure, mais qu’importe ? puisqu’elle est appropriée

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‘à leur Maure et alisorgè dans’un entier assouvissement toutes fes farces .de leur activité’. C’éSt ainsi que Bouvard et Pécuchet; «revenus enfin de l’odyssée de leurs vains désirs, abordeht aux régions sereines de ‘la paix intérieure, lorsque &s’am discerné leur véritable vocation, ils. se mettent à copier. Et le vrai sage de l’ouvre, n’est-il pas le percepteur Binet, qui possède un tour et jouit d’un bonheur complet à tourner des ronds de serviette dont il encoinbre sa maison « avec la jalousie d’un artiste et l’égoïsme d’un bourgeois » ou « à imiter avec du bois une de ces ivoireries indeseripebles, Composées de croissants, de sphères creusées les unes dans les antres, le tout droit comme un obélisque et ne servant à rien.. Et tandis que meurtrie, déchiquetée par les griffes de la Chimère, faine d’Emma Bovary s’échappe en voeux stériles, en vaines pas– tendis- qu’agonise la pauvre femme à demi assommée d’abord par le coup de massue du départ de Rodolphe, puis plus sûrement achevée par la ruine et par le bon office du poison libérateur, avec des modulations’ stridentes, le tour de Binet- semble étouffer sous la basse d’un ronflement Mono-tone e•t continu l’universelle lamentation « des désirs errants et perdus ». évoqués par le.Peète.

Did men pressure women into marriage?

By Anja Eriud and Peter Wright

Brides

One of the favourite myths of feminism is that ALL women were oppressed everywhere by ALL men – and that the mechanism by which men oppressed women was marriage.

Ah yes, in secret patriarchy meetings all over the known world scheming men got together to lay their nefarious plans to trap and enslave these innocent and delicate flowers of womanhood into the bonds, the cruel and tortuous chains of matrimony.

But, of course a few brave souls resisted, they struggled against this demonic plot to entrap and enslave them, then of course they wrote books about their “struggle”

According to received “wisdom” and in the context of anything that emanates from the mouths or pens of feminists one does use the word wisdom with a large dose of irony, this nefarious plot has been going on for centuries, nay millennium.

For the purposes of this essay we shall confine ourselves to a quick but focused examination of some specific periods, because after all, if feminists are correct, then like blindly putting a pin in a map with your eyes closed, wherever we landed in the timeline of human history we would reveal examples of this ongoing and nefarious patriarchal plot to enslave poor helpless damsels in the chains of matrimony. Makes sense, doesn’t it?

Let us begin with a gem of historical research that can be found at Gynocentrism and its Cultural Origins, and a campaign to impose a Bachelor Tax on those patriarchal sods who…….well were refusing to do their patriarchal duty and enslave some poor maiden into the chains of matrimony.

One Mrs Charlotte Smith in 1896, was so riled up and so aghast at the numbers of men who were refusing to get married that she started a campaign to force men to marry, and called upon public servants and officials to “do something” about this calumny against women.

“Mr’s Smith’s malignment of bachelors began with attacks on public servants and officials, saying that bachelors have always been failures, and that bachelor politicians, especially, were “narrow minded, selfish, egotistical, and cowardly.” She further claimed that, “It’s about time to organize antibachelor clubs in this state. It should be the purpose of every young woman to look up the record of each and every man who is looking for votes and, should his moral character be such would make him unfit for office, then his shortcoming should be the point of attack by the antibachelor women of Massachusetts.

There are 47,000 girls between the ages of 20 and 29 years in this state who cannot find husbands… [and] the bachelor politicians, they do not dare discuss the social evil question.”3 She states:

“No man can be a good, honorable and upright citizen who has not entered into the holy bonds of wedlock” [Charlotte Smith]4”

Now wait just a minute – that can’t be right – men are roaming the land in hordes, gathering together in secret patriarchy meetings, laying plans on how best to trap and enslave these fair maidens into marriage! Feminists have said so.

In her paper entitled, Sisterhood and Slavery: Transatlantic Antislavery and Women’s Rights, Karen Offen, Institute for Research on Women & Gender, Stanford University, takes a jaunt through history to justify the use of the word or analogy “slavery” as comparable to the status of women, especially married women from circa the 1650’s to 1848:

“In this paper, I extend the timeframe back some two hundred years from 1848 to the 1650s, providing evidence of the slavery-marriage analogy in published literary and political works by women and men (who deploy it in support of what can only be termed, retrospectively, a feminist politics). I will raise questions about exactly how we might interpret the feminist use of the slavery analogy as well as about how scholars and theorists have heretofore approached the separate subjects of women’s rights and slavery. “

Which is indeed what she does, now it must be said that Ms. Offen’s grasp of “history” is somewhat shaky, and she does take the long way around, via of course the usual suspects of “revisionist” and selective feminist history. Olympe De Gouges, John Stuart Mills, Elizabeth Cady Stanton – etc – with some rather unusual choices – Napoleon and Jean Jacques Rousseau, thrown in at odd moments. But, basically what this paper seeks to do, is what all feminists seek to do, is correlate the status of women historically with the status of slaves – black slaves – ergo she concludes with:

“The power of the slavery analogy, for feminists, was its insistence that women, and particularly women who married, were individuals in their own right, that they possessed “human rights” and free will and could not be legally disposed of like chattel or forced, even for family reasons, to do things against their will. The slavery analogy applied to marriage struck at the heart of institutionalized male domination in the family, and it continued to haunt the Western consciousness and to inspire subsequent generations of feminist action, both by women and by men well into the twentieth century, when in most countries the legal institution of marriage was totally (however reluctantly) restructured. It continues to characterize campaigns against sexual slavery into the twenty-first century.”

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This is very odd, because you see men were presumably having secret patriarchy meetings, but not about what feminists seem to believe, and have hoodwinked millions of “womens studies” graduates about – nope, men were having meetings about fighting for the right NOT to be coerced into marriage by harridans like Charlotte Smith demanding that unmarried men be punished for NOT getting married.

In case you haven’t noticed, Ms. Offen’s paper covers the period from the 1650’s to 1848, a period during which women campaigned to have bachelors punished for refusing marriage. It is also a time in which we read of women having the legal liberty to choose for a husband any man who took her fancy, and if that man refused to marry her he was heavily fined according to the value of his possessions.

And less than 50 years later Mrs Charlotte Smith is getting her corsets in a kerfuffle over men not marrying, and how there are “47,000 girls between the ages of 20 and 29 years in this state who cannot find husbands” (the state she is referring to is Massachusetts). But, I believe I may be correct if I assert that Mrs Smith was probably not the only busybody, in the only state in 1896 America squawking about all those lonely and bereft “ladies” pining away for……………slavery – emmmmm – marriage.

Lets fast forward a bit in history and the period just after the first World War – the Great War it is called – though how one can call a war that claimed the lives of an estimated 10 million men great?

What was one of the major issues that exercised the minds of the public after this “War to end all wars”?

“Condemned to be virgins: The two million women robbed by the war:

They dreamt of love, marriage and children. But, as a new book reveals, the Great War robbed two million women of the men they would have married, leading many into relationships which could only be whispered about…”

The book referred to here is Singled Out: How Two Million Women Survived Without Men After The First World War by Virginia Nicholson (Viking, £20).

You will note of course that the emphasis is on the struggle of women to survive without men after the war, rather on the estimated 10 million MEN who didn’t actually SURVIVE the war.

“World War I was an extremely bloody war that engulfed Europe from 1914 to 1919, with huge losses of life and little ground lost or won. Fought mostly by soldiers in trenches, World War I saw an estimated 10 million military deaths and another 20 million wounded. While many hoped that World War I would be “the war to end all wars,” in actuality, the concluding peace treaty set the stage for World War II”

In fact the article cites some piteous and heartbreaking examples of the ”struggles” of these sad and lonely maidens and what they are prepared to do in order to enslave themselves:

“Many placed advertisements in the Press in their hope of finding any man – like the following heartfelt plea published during the war: “Lady, fiancè killed, will gladly marry officer totally blinded or otherwise incapacitated by the War.”

By 1921 publications like the Matrimonial Times were carrying columns of advertisements placed by spinsters and widows.

They included:

MATRIMONY – Spinster, 38, loving disposition, fond of children, entertaining and country life, is anxious to correspond with a wounded officer of cultured tastes, with view to a matrimonial alliance; one with some means.

LADY, aged 49, spinster, cultured, bright temperament, small capital… would like to meet officer or civilian age 45-60… could be very happy with disabled officer needing a cheerful companion and pal.”

Couple of things to note here, while there were an estimated 10 million men killed in WWI, there were a further 20 million men injured, need I say that those 20 million injured men did not have the benefit of the kinds of medical technological marvels available to us today? So, being “injured” carried an extra dimension of horror and anguish for these men.

Now take a closer look at the extracts from the letters cited in the article, “…will gladly marry officer totally blinded or otherwise incapacitated by the War” – “….anxious to correspond with a wounded officer of cultured tastes, with view to a matrimonial alliance; one with some means” – “…..could be very happy with disabled officer needing a cheerful companion and pal”

Even when women were prepared to “settle” in a desperate attempt to “get married” there were conditions – the ladies preferred their men –injured or not, disabled or not, to be of a certain status, to be the “right class” to be “Officers” – Hypergamy anyone? Gynocentrism?

This was such a burning issue that the government stepped in, to ease and attempt to resolve the plight of these “surplus women

“In 1919, the Society for the Oversea Settlement of British Women was established and was provided with an annual grant. The Society’s panels included ones for areas – Africa, Canada, Australia and New Zealand – and for work – for nursing, for training and for agriculture. All of this effort was in spite of the evidence collected by the Dominions Royal Commission of 1912-1917 which found that the casualties of men from the dominions during the war meant that marriage prospects in the Empire had also declined. Additionally, men were emigrating as well as women, perpetuating the imbalance in Britain. So in 1920, 125,000 women emigrated but 115,000 men also did. Between 1923 and 1927, fewer women than men emigrated as a result of the Empire Settlement Act (1922), through which the government provided financial assistance to emigrants.”

As you can see, it kind of backfired – but – hurrah for the attempt, to provide a means to give women what they wanted – enslavement in marriage.

So, here we are in the 21st century and has anything changed?

Well yes, and no – according to feminists men are still patriarchal bastards roaming the land trying to trap innocent virgins into the chains of matrimony – except:

“Among pre-adults, women are the first sex. They graduate from college in greater numbers (among Americans ages 25 to 34, 34% of women now have a bachelor’s degree but just 27% of men), and they have higher GPAs. As most professors tell it, they also have more confidence and drive. These strengths carry women through their 20s, when they are more likely than men to be in grad school and making strides in the workplace. In a number of cities, they are even out-earning their brothers and boyfriends.

Still, for these women, one key question won’t go away: Where have the good men gone?”

Perhaps the attitude toward men in the following might give all those lonely and pining fair maidens, yearning to get shackled up, an insight as to where all the good men have scarpered to?

“Single men have never been civilization’s most responsible actors; they continue to be more troubled and less successful than men who deliberately choose to become husbands and fathers. So we can be disgusted if some of them continue to live in rooms decorated with “Star Wars” posters and crushed beer cans and to treat women like disposable estrogen toys, but we shouldn’t be surprised.”

Because after all, as the redoubtable Mrs Charlotte Smith also claimed so vehemently all those years ago:

“No man can be a good, honorable and upright citizen who has not entered into the holy bonds of wedlock”

Like Ludwig Von Beethoven, Henry David Thoreau, Isaac Newton? Those kinds of dishonorable and presumably irresponsible men who wasted their lives away without the civilising influence of women!

 

Maternal Preference in 19th Century American Law

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(Illustration from Little Red Cloak by Harriet Burn McKeever. Ca. 1866.)

When it was not rejected outright (as many courts did from the beginning), the supposed “paramount right of the father” to the custody of his children was subject to six major exceptions: (1) children born out of wedlock; (2) young children; (3) weak, disabled or unhealthy children; (4) daughters; (5) older male children who expressed a preference to live with their mothers; and (6) cases where the father was guilty of marital or moral misconduct, concepts which courts defined very broadly in cases where a father sought custody of a child.

Except when a court determined a mother to be an unfit parent, there were not many situations to which a “paramount right of fathers to custody” actually applied. The exceptions nearly swallowed the rule, in those few states where such a rule was ever actually applied at all. What this meant was that, in practice, the courts of every state – those that had openly rejected the “fathers’ rights” doctrine from the beginning, and those that had given it lip service while effectively nullifying it through the application of broad exceptions – decided custody on the basis of the best interests of the child, with a strong presumption that maternal custody was in a child’s best interests.[1]

The maternal preference was based on strongly held beliefs about the natural superiority of women and the inferiority of men, as a class, with respect to child-rearing functions. For example, the Illinois Supreme Court, in 1849, issued this sweeping generalization:

The mother, from her natural endowments, her position in society, and her constant association with [children], can give them that care, attention and advice so indispensable to their welfare, which a father, if the same children were left to his supervision, would be compelled in a great degree to confide to strangers.[2]

Although the maternal preference was more ardently and eloquently expressed in cases involving younger children, it manifested itself in the rules courts applied to the custody of older children, too. For example, the near-absolute rights of mothers to custody of children born out of wedlock, and of daughters, and of weak, disabled or unhealthy children, applied to cases involving children of any age.

Maternal unfitness

The custody rights of parents were never absolute. A mother, like a father, could be denied custody if a judge determined that she was unfit to be a parent.[3] The kinds of things that a court would accept as evidence of a mother’s unfitness varied considerably from what would suffice for a father, though. In general, it may be said that the grounds for declaring a mother unfit were more limited than what would suffice to declare a father unfit. And over the course of the century, this double standard became increasingly pronounced.

One clear example of the double standard was the child support obligation. Women were not expected to be the breadwinners for a family,[4] so a mother’s inability to support her children financially normally was not held to be grounds for denying her custody of her children. By contrast, courts readily denied custody to fathers – and awarded custody to the other parent, or even to a third party — on the basis that the father either could not or did not adequately provide for his children financially.

Another clear example of the double standard was marital infidelity. Courts often treated a father’s commission of adultery as grounds for denying him custody of a child but, as we have seen, a mother’s commission of adultery did not necessarily preclude an award of custody to her, especially if the child in question was young.

Moreover, regardless of the age of the child, a mother’s commission of adultery was not a bar to custody if there was evidence that she had undergone a moral reformation. And courts typically would infer a woman’s complete moral reformation simply from her termination of an adulterous relationship.

Victorian mores were such that women were seen as innocent and asexual. Therefore, any demonstration of an interest in sex, or of a lack of moral virtue, on a woman’s part was thought to be merely a temporary fall from the pedestal. The fall was assumed to have happened as a result of being pushed by a man. Accordingly, if a married woman simply renounced her interest in the man who had led her astray, then she was entitled to immediately reclaim her position on the pedestal, and all order was restored to the Victorian world.[5] Men rarely were afforded such beneficent dispensation. There was an underlying current of opinion that men who strayed from their marital obligations did so of their own free will, and were virtually assured of doing it again: Once a scoundrel, always a scoundrel, it seemed.

The principal grounds upon which a mother might be deemed to be unfit to parent in nineteenth century America were habitual drunkenness (though this did not always prevent a court from awarding her custody of a child of tender years);[6] mental illness; and severe child abuse.[7]


Notes:

[1] See Commonwealth ex rel. d’Hauteville v. Sears 279 (Phila., Pa. Ct. of General Sessions 1840) (concluding, on the basis of a review of early American custody cases, that “[t]he common law of the United States is in favour of the mother’s custody”)

[2] Miner v. Miner, 11 Ill. 43, 50 (1849)

[3] See generally American Bar Association, Guide to Marriage, Divorce, & Families 172 (2006) (observing that “[b]y the mid-1800’s, most states had come to exhibit a strong preference for the mothers in issues of custody.”) Since the maternal preference was the guidestar for custody decisions throughout most of the twentieth century, it will be explored in more depth when this blog makes it into the twentieth century.

[4] The law imposed support obligations exclusively on men, not on women. It is sometimes thought that this was an aspect of the coverture doctrine, the idea being that the person who has all the rights should also have all the responsibilities. The support obligation was exclusively male, however, even when coverture was not applicable. For example, support obligations continued to be imposed exclusively on males even after the marital unity had been dissolved by a divorce. Gilley v. Gilley, 9 A. 623 (Me. 1887); Logan v. Murray, 6 Serg. & Rawl. 175 (Pa. 1820); Campbell v. Campbell, 37 Wis. 206 (1875) (holding that a divorce may terminate a husband’s right to custody but it does not terminate his obligation to support his wife and children.) see generally Epaphroditus Peck, The Law of Persons or Domestic Relations 253-60, 278 (1913).

[5] Of course, if she refused to abandon her paramour, then the court would have no basis for a finding of moral reformation, and most likely would proceed to find her unfit to parent.

[6] See, e.g., Brandon v. Brandon, 14 Kan. 264 (1875)

[7] American Bar Association, supra note 3.

The above article reprinted with permission from author and copyright holder Tom James.

SEE ALSO: Custody of children in 1896

Margaret Cavendish: gynocentrism in 1662

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Margaret Cavendish (1623 – 1673) was an English aristocrat, prolific writer, outspoken critic, and proto-feminist. In her 1662 essay titled Female Orations she claims that men willingly delivered to women’s disposal their power, persons, and lives, enslaving themselves to women’s will and pleasures, while considering women as lofty saints whom they adored and worshipped. Margaret Cavendish asks, “what can we desire more than to be men’s tyrants, destinies, and goddesses? – PW

Noble ladies, honorable gentlewomen, and worthy female-commoners… why should we desire to be masculine, since our own sex and condition is far the better? For if men have more courage, they have more danger; and if men have more strength, they have more labor than women have; if men are more eloquent in speech, women are more harmonious in voice; if men be more active, women are more graceful; if men have more liberty, women have more safety; for we never fight duels nor battles; nor do we go long travels or dangerous voyages; we labor not in building nor digging in mines, quarries, or pits, for metal, stone, or coals; neither do we waste or shorten our lives with university or scholastical studies, questions, and disputes; we burn nor our faces with smiths’ forges or chemists furnaces; and hundreds of other actions which men are employed in; for they would not only fade the fresh beauty, spoil the lovely features, and decay the youth of women, causing them to appear old, when they are young; but would break their small limbs, and destroy their tender lives.

Wherefore women have no reason to complain against nature or the God of nature, for although the gifts are not the same as they have given to men, yet those gifts they have given to women are much better; for we women are much more favored by Nature than men, in giving us such beauties, features, shapes, graceful demeanor, and such insinuating and enticing attractiveness, that men are forced to admire us, love us, and be desirous of us; insomuch that rather than not have and enjoy us, they will deliver to our disposals their power, persons, and lives, enslaving themselves to our will and pleasures; also, we are their saints, whom they adore and worship; and what can we desire more than to be men’s tyrants, destinies, and goddesses?

Masculine submission and ‘love service’ in the troubadour lyric

The following account of ‘love service’ displayed by men toward women during the Middle Ages – from the book Masculine Submission in Troubadour Lyric by Sandra R Alfonsi – PW.

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The troubadours lived and functioned within a society based on feudalism. Certain ones were themselves feudal lords; others were liegemen dependent on such lords for their sustinence. The troubadours who were members of the clergy were also actively involved in this feudal society. It is only natural that their literature reflect some traits of the age in which it was created.

Scholars soon saw striking parallels between feudalistic practices and certain tenets of Courtly Love. The comparisons lie in certain resemblances shared by vassalage and the courtly “love service” expected of men. Fundamental to both was the concept of obedience. As a vassal, the liegeman swore obedience to his lord. As a courtly lover, the poet chose a lady to whom he was required to swear obedience. Humility and obedience were two concepts familiar to medieval man, active components of his Weltanschauung. Critics, such as Erich Kohler, have found them exhibited in both the life and literature of that time.

The entire concept of love-service was patterned after the vassal’s oath to serve his lord with loyalty, tenacity, and courage. These same virtues were demanded of the poet. Like the liegeman vis-a-vis his sovereign, the poet approached his lady with fear and respect. Submitted to her, obedient to her will, he awaited a fief or honor as did the vassal. His compensation took many forms: the pleasure of his lady’s company in her chamber or in the garden; an avowal of her love; a secret meeting; a kiss or even le surplus, complete unity.

Like the lord, the woman who was venerated and served was expected to reward her faithful and humble servant. Her failure to do so was considered a breach of “contract.” Most critics who support the theory that the courtly-love-service was formed by assimilation to the feudal service inherent in vassalage, credit Guillaume IX with its creation. However, the universality of these parallels cannot be doubted:

The posture of the true lover is so familiar that we have come to accept it as the hallmark. A seal attributed to Cononde Bethune represents it perfectly. This depicts in an oval cartouche, an armed knight on his knees before a lady. His body is shrouded in a mail hauberk. His head is completely concealed in his helmet. He wears spurs but no sword. The lady stands at arms length, chastely robed, her regular nonedescript features framed in long braids, presumably blonde, and between her outstretched palms the knight’s hands are placed in the formal gesture of homage. Within the cartouche, in the space above the helmet of the kneeling knight is inscribed a single word: MERCI. 1

The similarities between courtly service and vassalage are indeed striking. Although of a more refined character than an ordinary vassal, the poet-lover is portrayed as his lady’s liegeman, involved in the ceremony of homage and pictured at the moment of the immixtio manuum. His reward for faithful service will doubtlessly include the osculum.

The influence of feudalism upon courtly love was, in my opinion, twofold: it provided the poets with a well-organized system of service after which they might pattern their own; it furnished them with a highly developed vocabulary centered around the service owed by a vassal to a lord. Feudalistic vocabulary was comprised of certain basic terminology indicative of the ties which legally bound a man to his lord in times of peace and war.

1. Servitium
In Merovingian Gaul the position of the feudal lord was expressed by the verb suscipere ‘to take into one’s charge,’ while the verb commandare ‘to put oneself in the charge of’ represented the role of the vassal. The obligations accepted by the latter formed the servitium ‘service.’ This term, used in Classical Latin to denote slavery, had begun to lose this connotation by the fourth century, and during the Middle Ages, and had come to mean the duties of a freeman vis a vis a feudal lord.

2. Dominus
The Latin term dominus was used to denote the feudal lord served by the vassal.h2_ufarm_1

3. Homo
From the beginning of the ninth century, suus homo ‘his man’ became the expression by which the position and duties of the vassal were expressed. During the eleventh century, the expression homo ligius ‘liegemen’ became popular.

4. Homage
The original terms used to denote homage were vassaticum and vassalaticum. Since the old French vasselage did not carry the meaning of homage due to the feudal lord, variations on the Latin hominum appeared in the eleventh century: hominagium, hominiaticum, homagium. The word hommage became popular during the twelfth century, denoting servitium homini, the honorable service due to the lord.

5. Legalitas
The term loyaute ‘loyalty’ was used to define the bond between vassal and lord.

6. Honor
The term onor was used to designate any compensation received by the vassal in return for his services. The concept of tenure tenire was attched to this idea. During the classical age tenire meant to occupy or possess; during the feudal age, it acquired as well the meaning of a rapport between former proprietor and the person now possessing the land through certain services rendered to the former. This relationship was expressed with the verb retenir ‘to retain,’ implying the retention of the vassal by the lord in return for his services. *

It was only natural that such terms, as well as their variants, should appear within the poetic love service created by the troubadours. Feudal vocabulary provided for all aspects surrounding the love service; it was well known and popularly understood. Its usage carried with it all the connotations inherent in the concept, without necessitating further explications by the poet.

An extensive examination of the poetic love-service , its vocabulary and stylistic traits, is to be found in the second part of this work. It is questionable whether feudalism may be considered as the primary source for either the poetic love-service or the theme of masculine submission. The very essence of both rests in the elevation and adoration of the woman chosen by the poet. Feudalism, with its bellicose concerns and masculine point of view, could not have instilled the Cult of Woman in these poets. Even the elevated social position held by women in Southern France and her presence as the “mistress of the manor” during the absence of her husband cannot explain the origin of this cult. It cannot be denied that much of this poetry was written to please the women who provided the troubadours with a means of sustenance by engaging them to entertain them in their chateaux. But such external social realities do not explain the origins of the internal revolution which culminated in poetic worship of woman.

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Reference:

[1] Maurice Valency, In Praise of Love, Macmillan Co. 1958

Note:

*This configuration of unequal power is the central feature of the poet-lover’s positioning of himself with regard to the love object. Drawing on the stratification and class-consciousness of medieval society, the canso describes primarily in terms of social hierarchy the woman’s psycho-sexual power to determine the outcome of the relationship. Thus the troubadour’s lady is regularly portrayed in terms denoting aristocracy, such as ‘‘noble’’ rica, franca or ‘‘high born’’ de bon aire, de aut paratge, whereas the poet stresses his own subordination, describing himself as ‘‘humble’’ umil, umelian, ‘‘submissive’’ aclin, and ‘‘obedient’’ obedien. The culmination of this tendency is one of the most pervasive images of troubadour poetry, the ‘‘feudal metaphor,’’ which compares the relationship of the lover and his lady to that which obtains between a vassal and his lord. The poet-lover presents himself to his lady in an attitude of feudal homage omenatge, ‘‘kneeling’’ a/degenolhos with ‘‘hands clasped’’ mans jonchas. He declares himself to be his lady’s ‘‘man’’ ome or ‘‘liege man’’ ome lige and refers to the lady as his ‘‘lord’’ senhor, midons. He asks her to ‘‘retain’’ retener him as her ‘‘servant’’ ser, servidor or to take him into her ‘‘service’’ servizi. According to a military variant of the feudal metaphor, the lover ‘‘surrenders’’ se rendre to the lady, declaring himself ‘‘vanquished’’ vencut or ‘‘conquered’’ conques, and asks for her ‘‘mercy’’ merce. [Note excerpted from ‘Why is la Belle Dame sans Merci?’ by Don A. Monson]

Male Masochism in Victorian women’s literature

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The following mentions of gynocentric themes in Victorian literature are excerpted from the book Male Masochism by Carol Siegal 1. Notice the thematic continuity of this literature with the earlier sexual-relations contract first invented in Medieval Europe:

“A great deal of what [Victorian] women’s literary works had to say about gender relations may have been as disquieting as feminist political manifestos, and ironically so, in that the novels seem most anti-male in the very places where they most affirm a traditionally male vision of love. While women’s lyric poetry tended to reverse the conventional gender roles in love by representing the female speaker as the lover instead of the object of love, women’s fiction most frequently reproduced the images, so common in prior texts by men, of the self-abasing male lover and his exacting mistress. For example, in Wuthering Heights, Heathcliff declares himself Cathy’s slave; in Jane Eyre, Rochester’s desire for Jane is first inspired and then intensified by his physically dependent position; in Middlemarch, Will Ladislaw silently vows that Dorothea will always have him as her slave, his only claim to her love lies in how much he has suffered for her. In several Victorian novels by women, men must undego quasi-ritualized humiliation or punishment before being judged deserving of their lady’s attention. For instance, in Olive Schreiner’s Story of an African Farm, the fair Lyndall condescends to treat her admirers tenderly after one has been horsewhipped and the other has dressed himself in women’s clothes to wait on her. Although Victorian women’s novels do explore the emotional insecurities of the heroines, their apparent self-possession is also stressed, in marked contrast to their lovers’ displays of agony, desperation, and wounds.”

The author goes on to say that male masochism and the dominatrix-like behavior of women in much literature is continuous with courtly love literature from the Middle Ages. And whilst some libertines self-consciously chose their lowly position in relation to women, the men described in Victorian women’s novels lacked such volition and were helplessly controlled by the power of love and beauty:

“These texts also insist that the true measure of male love is lack of volition. While the heroines make choices that define them morally, the heroes are helplessly compelled by love, and not judged to love unless they are helpless. In this respect Victorian women’s fiction recovers the ethos so often expressed in medieval courtly romance that love must be “suffered as a destiny to be submitted to and not denied.” It also departs from the conventions of medieval romance in describing the helpless submission to love as an attribute of true manliness, and thus Victorian women’s fiction directly attacks the degeneration of chivalry into the self-conscious and controlled “gallantry” of eighteenth century libertines.”

Source:

[1] Carol Siegal, Male Masochism, Indiana University Press, 1995 (pp. 12-13)

Forget the ring

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Modern marriage evolved from a historical ritual designed to indenture subordinates to their masters, though most people have forgotten this history. However, many of the behaviors and rituals central to this history can still be discerned in modern marriage.

It’s thought that the practice of exchanging wedding rings extends far back into ancient history, with evidence of the ritual being found in Ancient Egypt, Rome, and within several religious cultures. However our modern-day practice of giving wedding rings has a very different origin and meaning, one which may make you, well, cringe a little. As suggested on the Society of Phineas blog, the ring functions as a feudalistic contract between the man and his wife:

“The ring functions as a proof of ability in the supplicant vassal’s pledge to the wife. This is true given the traditional expectation of the amount of resources to be expended in purchasing the ring along with providing for the wedding day. In this gynocentric environment, it’s total sacrilege to not present a woman with her One Ring or to present one that is substandard to her or her friends. She uses her One Ring as a social proof of her status around Team Woman (it’s a competition much like Valentine’s Day gifts), as she will not hesitate to show it off as much as possible when she first gets it if it meets with her approval.” 1

This contention finds support from medievalist scholars who show the origin of our ring-exchanging ritual is found in early literary sources and depictions of the Middle Ages. H.J. Chaytor, for instance wrote “The lover was formally installed as such by the lady, took an oath of fidelity to her and received a kiss to seal it, a ring or some other personal possession.” Professor Joan Kelly gives us a tidy summary of the practice:

“A kiss (like the kiss of homage) sealed the pledge, rings were exchanged, and the knight entered the love service of his lady. Representing love along the lines of vassalage had several liberating implications for aristocratic women. Most fundamental, ideas of homage and mutuality entered the notion of heterosexual relations along with the idea of freedom. As symbolized on shields and other illustrations that place the knight in the ritual attitude of commendation, kneeling before his lady with his hands folded between hers, homage signified male service, not domination or subordination of the lady, and it signified fidelity, constancy in that service.” 2

Like the description given by Kelly, men continue to go down on one knee and are quick to demonstrate humility by claiming the wedding is “her day”, betraying the origin and conception of marriage as more feudalistic in its structure than Christian. With gestures like these it’s clear that modern marriage is based on the earlier feudalistic ritual known as a ‘commendation ceremony’ whereby a bond between a lord and his fighting man (ie. his vassal) was created. The commendation ceremony is composed of two elements, one to perform the act of homage and the other an oath of fealty. For the Oath of fealty ceremony the vassal would place his hands on a Bible (as is still practiced) and swear he would never injure his overlord in any way and would remain faithful. Once the vassal had sworn the oath of fealty, the lord and vassal had a feudal relationship.

Because this archaic contract remains current in contemporary marriages, we might also question our typical concepts of obeyance between a husband and wife. In older Christian ceremonies the women sometimes vowed to love, cherish and “obey” her husband. However, because framed within a feudalistic-style relationship the woman’s obeyance was strongly offset and perhaps overturned whereby in practice she tended to be the dominant power-holder in relation to the man. In the latter case the wife as more powerful figure is merely obeying -if she is obeying anything at all- her responsibilities as a kindly overlord to her husband. Notice here that we have switched from the notion of a benevolent patriarchy to a kindly gynocentrism which feminists like to promote as loving, nurturing, peace-loving and egalitarian.

Love service

The Medieval model of service to a feudal lord was transferred wholesale into relationships as “love service” of men toward ladies. Such service is the hallmark of romantic love and is characterized by men’s deference to a woman who is viewed as a moral superior. During this period women were often referred to by men as domnia (dominant rank), midons (my lord), and later dame (honored authority) which terms each draw their root from the Latin dominus meaning “master,” or “owner,” particularly of slaves. Medieval language expert Peter Makin confirms that the men who used these terms must have been aware of what they were saying:

“William IX calls his lady midons, which I have translated as ‘my Lord’… These men knew their Latin and must have been aware of its origins and peculiarity; in fact it was clearly their collective emotions and expectations that drew what amounts to a metaphor from the area of lordship, just as it is the collective metaphor-making process that establishes ‘baby’ as a term for a girlfriend and that creates and transforms language constantly. In the same way, knowing that Dominus was the standard term for God, and that don, ‘lord’, was also used for God, they must also have felt some connection with religious adoration. 3

Recapitulation

Let’s recapitulate the practices associated with the ring-giving ritual of marriage:

1. Genuflection: man goes down on one knee to propose
2. Commendation token: rings exchanged
3. Vassal’s kiss: reenacted during the ceremony
4. Homage and fealty: implicit in marriage vows
5. Subservience: “It’s her special day”
6. Service: man prepares to work for wife for his whole life
7. Disposability: “I would die for you”.

Is it any wonder that women are so eager to get married and that men are rejecting marriage in droves? The feudalistic model reveals exactly what men are buying into via that little golden band – a life commitment to a woman culturally primed to act as our overlord. As more men become aware of this travesty they will choose to reject it, and for those still considering marriage I encourage you to read this article a second time; your ability to keep or lose your freedom depends upon it.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=FEr0BPOfVw4&w=560&h=315]

[1] Website: Society of Phineas
[2] Joan Kelly, Women, History, and Theory, University of Chicago Press, 1986
[3] Peter Makin, Provence and Pound, University of California Press, 1978

Hail to the V

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=ufdpf7bCXBo&w=550&h=370]

In several posts and on various other blogger’s comment threads I’ve debated that the social paradigms of chivalry and feminism are cultural engineerings of the feminine imperative. I delved into the history of chivalry in The Feminine Imperative – Circa 1300 and made my best attempt to outline the history of chivalry, the feminine bastardization of it and how it was the cultural parallel and precursor to feminism. Naturally the more romantic leaning of my critics chose to keep their noses in their holy books and epic poems rather than take the time to consider the historical underpinnings of what we now consider chivalry and monogamous romantic love.

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A search phrase I was recently using came back with this imbedded in the result:

“Cultural historians believe that romantic love was created sometime in the 14th century”.

The link stated that the idea of “Romantic Love” was created by troubadours in verses by the idea of “Courtly Love” that arose in its beginnings the the end of the 12th century. So I started going back,back,back,back, back (-Chris Berman) and I found this: The Art of Courtly Love

The book is important. The foreword by John Jay Perry was written in 1941. The title of this book is “The Art of Courtly Love” but it is actually a Victorian Era title imposed on the work that has several other different titles as a function of the era when the translation was performed, country where the translator lived, and particular social attitudes prevalent when and where the translator produced the translation. I think the “Romantic Era” was when these ideas of “courtly love” finally percolated up into mainstream thought, well, actually women’s mainstream thought, and defined love as we believe it be today, or at least defined it as women wish that definition to be imposed on men.

The title I generally use is “Treatise on Love”. Andreas Capellenus was the Chaplain of Countess Marie, and the preface goes into all of this history and I don’t want to get it into it. Read it.

It is the seminal work on the subject and there is no earlier work by a European. There is reference to Ibn Hazm, an Islamic writer from Spain, who began to define the idea of “love” in Islamic cultures. It went through a series of other writers in the 13th century and orally communicated through verse and song during the 14th century and made its way into the consciousness of western thought from the 14th century on.

The key thing is that these Troubadours were not some “traveling band” singing for their supper. Maybe later, but at this time, they were major nobles, from both the nobility and the higher noble classes. The first major one referenced was Duke William of Aquitaine, who was Marie’s grandfather. These were important people of the time. This would maybe be like, God forbid, Senator Harry Reid, breaking into a song after dinner about the importance of passing spending bills to ease the particular issues about the “sequester” that are key issues to Democrats or Ben Bernake letting loose about the Quantitative Easing. Ok, maybe not exactly.

The issue at the time, was that, as the historians state, that “Love as we know it did not exist. Marriage was as much as about land and politics as anything else”. It was said you “Married a fiefdom and a wife got thrown in the bargain”. Imagine a time where firelight and sunlight were practically the only light, when people rarely traveled more than 12 miles from their place of birth, when nothing, and I mean nothing, changed. The major cathedral built in Nimes took 38 generations to complete. The skyline never changed, towns remained the same. There were no books. None. All knowledge was conveyed orally and generally died with a person. The only cultural conditioning was what you got by watching the people you saw. And you saw very few people. Even at the peasant level, most marriages were the tossing together of two available young people, and that was that. But particularly at the noble level, all marriages were entirely based on practical considerations and nothing to do with “love” as we know it.

And the major church writers the time, just skewered women. The preface named several, and while I can’t find actual text of the writers specific to women, Bernard de Morlaix, John of Salisbury, I can find overall references to what they said about morality in general. They were a group that very much about self control. And it was thought that due to the “wickedness” of women, it was probably superior to remain a virgin. And thus the idea of the “celibate” priest was born. He could not be “godly”, and should be suspect, if he allowed himself to come under the temptation of women.These guys were definitely the “Red Pill” writers of the time. The general idea was not so much that sex was bad, but women were so bad, and sex was lure, the hook, so they damned sex as a means to keep men from getting ensnared in the traps and wickedness that women lay for men. And the thought has a little bit of merit, I must say.

So, think about this. The men in power at the time, saw some of the stuff we see, and they gave a huge “thumbs down” on women. Huge.

Now, heading into the second 500 years of Christianity, throw a “rubbing elbows” with Moslems in Spain, and this idea of “love” starts to percolate about, sort of this “counter-culture” idea of the time. It did not exist at all before in European culture, this idea of “soul mates” and “intertwined” spirits and “the ennobling qualities of love”, love as the be all and end all, the very reason to live.

And it was made up.

By women. Duh?

So there were moments, during this period 1170-1250 were in certain places the women got control. It the case of this Marie, she got control of this region “Troyes” in southern France when her son was named to be noble over the region and he was 11 years old. So she accompanied him down there and was the defacto “regent” during his “minority”. Her husband became King while she was down there. So this was a woman of major influence. And her sister was married to someone that also became King of someplace else. Their mother had been both Queen of France and then Queen of England after she divorced the King of France. This was a powerful woman who got what she wanted. And two of the chief architects of “love” were her two daughters, who married extremely high status men.

The same thing happened at the same time in about 3 other major places in the area, and these women, began to “flirt: with idea of “Courtly Love”. Flirt maybe is a little weak of word. But the general idea of most writers about the theme is that they “Proposed it as countervailing religion or thought to Christianity.” Christianity had so vilified women during the past 200 years, and this “love” stuff was really one of the first “feminisms”.

And near I am can tell, it was literally the birth of the Feminine Imperative. At least, the birth of the version that we know today.

The general idea was this.

“Women are the love. Women give praise to men and the power of that praise is the driving motivator of men. All good things that men do are only done in the true spirit of love to earn the right to the love that the woman confers to the men. Women define what is good. Women confer status on men by allowing them to receive the love they receive from women as a result of high character and accomplishment”.

Sound familiar.

So that was why some “Sir Goodguy” white knight would tie the scarf of the woman around his neck during some contest. It was his sign to her that he was doing this brave dead for her love and his recognition that she saw him as good and worthy.

They actually created these things called “The Court of Love”. And these men and women, and you can imagine the men in those courts were the 12th or 13th century equivalents of Manginas, would literally “rule” on love. They would debate questions, actions, and then determine is an act was good or bad and then that further defined “love”. Remember again, this was not idle chit chat after dinner. These were the major movers and shakers of the time. This was the court that would go on to exert cultural and intellectual control over Europe until 1914. And really even later than that. For nearly 1000 years, the French held sway in everything and Paris was the center of the world. Except at this time, this part of France, the south was the big deal.

One example I saw was letter written by a man that said, he and a woman were having heated discussion of two points, (1) Can true love exists in a marriage. (2) Can there be jealousy between the married partners. The Countess, the Queen of Love, at that time wrote back and said “No, love cannot exist in a marriage. Love is freely given and asks for nothing in return. Marriage is a contract of duties. So there is no love in a marriage. And Jealousy is a prerequisite of love and since only lovers could be jealous and since married people were not lovers, then their could be no jealousy in a marriage. ” And that was that. The Chief Justice of the Supreme Court of Love had issued a ruling. And its weight was everything.

And needless to say, it was a mighty convenient development for women that were traded off into marriage as pawns attached to land. So it conferred the key power of social definition and the final say of what is good in men, and good in society, and that women should and will be the definers, and the arbiters, and the judges of all of that.

The translators, and this particular author John Jay Parry, mention that was nothing particularly distinguishing about Andreas Capellanus that would make it seem like he was the person to end up as this great literary figure that wrote a work that is “One of those capital works that explain the thought of a great epoch, which explain the secret of a civilization”. Parry said often, some of the prose was different in style and “meter”, such that it seemed “dictated” to him.

And frankly I am sure the whole book was “dictated” to him. That he was, in fact, as chaplain, the mouthpiece of these women, and his position as Chaplain allowed the viewpoints expressed to be accepted in a way that a work created and made public by women, given what it expresses, would have viewed more critically by readers. Keep in mind that it was written in Latin, and only those who were either Clerics or the nobility could read the thing. What wasn’t literally dictated, was more or less, transcribed thought, and he knew that Marie was final “editor” in the content. And his position, both as Chaplain, and his very livelihood, depending on her being happy with the finished product.

So let me make an analogy, and step just a little bit in time. Things are little muddled today cultural to make a similar one from a very current example.

Consider Hugh Hefner. And consider his show called Playboy After Dark. This was a time of much “friction”, the early 60s. Civil rights and racism are extreme issues. Sexual “freedom” is coming about. The “rights” of just about everyone are much talked about. The setting which was sort of this contrived “salon” from Paris. The set looked like a large living room in a swanky spiffy Playboy bachelor pad. All these “cool”, meaning avante guarde, “open minded”, intellectually superior, artistically superior, liberal people are just hanging out, having a spiffy party. Hef does more for civil rights in a minute than 50 writers do in 10 years by having Sammy Davis Jr on the show. Hef did more for women’s liberation by having a “guest” on the show to talk about it and the camera sees Hef nodding approval, than 50 screeching female professors could ever do.

So then that “cool” boy, that wants to be like Hef, all through the 60s and the 70s, the “cool boy” believes in Equal Rights, Racism, Feminism and this idea of “gender” and “race” being a culturally imposed concept. And that “cool” boy does it exactly because it is “artistically and culturally superior” than the conservative ideas of the time. So then imagine how pervasive both of those viewpoints on Racism and Sexism are today and how “religious” both have become in such a short time, historically. All of us have experienced the reaction of people to our Red Pill beliefs that border on religious arguments. And some of the biggest fighters of what we propose are men. So a philosophy can quickly move from the fringe and become core if the “right” people get behind it and push it.

So then imagine the same thing back in 1200, the “cool” boy, the son of the nobles, that reads latin, has a little bit of education, he thinks the Catholic church is a bunch of sticks in the mud. He is literally built, wired, for sex, to want women. And this idea of “love” makes absolute sense to him, or at least he wants it to make sense, because the top of line, highest status women, those noble women in that area between Barcelona and maybe, Bologna, were all giving approval to those men that bought into it. So by saying “I believe in Love” or “I am in Love’s army”, or “I am a soldier of love”, what he is saying is “I’m cool, man. Please like me.”

And just like today, any guy that goes against Feminism or attacks the behavior of women is shunned. I hurl some attack on women in comments to an article, and some woman comes back with “Oh, I be you just get you tons”. So in 1200, It is “No ‘Love”, then no ‘love’”, you were ostracized by women, at least the cool French Chicks who were the celebs of the day.

And so it takes hold, and as Feminism has co-opted the church, today’s women have imposed their viewpoint on church acceptance of divorce, premarital sex, with the whole idea of the “magic vagina” of women compelling those men into better behavior and better performance, and the woman has the right and the duty to punish him for failure to live up to the love that the woman has given him as a gift that he must continue to earn, the same thing happens with “love”. It co-opts the Catholic church of the day, and throughout the 13th and 14th centuries, “love” creeps into the morality and consciousness of the people at the time. The “love” thing is dominating the “court” and is leaks into the church in the relationship of accomplices that they first and second estate have which each other. It catches on and becomes the dominant aspect of the culture and women are “rehabilited”, seize control, and never let go. They have the “authority” because they have the “morality”, and they drive the course of society by controlling what is “moral” and what is “honorable”. And what constitutes both, from that point forward, are generally what is in the best interest of women, given their situation, given the time.

So why is this important to us?

First, the whole idea of “Courtly Love” was entirely hypergamistic. Entirely. The Capellanus book has as the heart of the second part, 9 dialogues. These dialogues define the Feminine Imperative.

Keep in mind, at this time, there might have been maybe 500 books floating around in total. And this is the only one on this topic available for a 100 years. The only other referenced work before this was Ovid “The Art of Love” and most scholars really see Ovid as more of a satire on the “treatises” written during his day, and not as a REFERENCE MANUAL that people today, including myself (pre-Red Pill) , see it.

I took it as “how to” book. And what it should be titled is “How to be a AFC Beta”. Also keep in mind that books were so rare, that everything thing was relayed as an oral tradition. Even as late at 1513, Luther said he had been a priest for 3 years before he ever even saw a Bible. And that’s the effing bible.

So here you are somewhere in 1200, and this major Noble dude guy, or high status babe, gets up and starts talking or singing about this new “love” thing, and everyone is nodding and agreeing. And if they don’t nod and agree, then they don’t get to be in the group, they’re fired. The High Status women turn on them, and they are ostracized.

So in the 9 dialogues, there are a series of conversations that men of one of three statuses would have with a women of one of the same three statuses. Those statuses being “commoner, noble, high noble”. And these dialogues set the ground work, the rules, of what both men and women of all three classes should, do, feel, and think about “love”. And “love” is only between those classes. Peasants don’t love. They need to stay on the farm and work it. They have no time for “love”. And love is only between people that aren’t married.

And there you go right there, with anachronistic thought. You probably thought, single people. No. Single people weren’t dating and marrying. No way. That was decided by someone else. You were probably going to be part of some arranged marriage. “Love” was between married people, at least married women and a man, but not married to each other. You can already see the way hypergamy is influencing the idea of “love”. Girl gets pawned off as a 14 year old or 15 year old as part of some arrangement between older family members. She probably didn’t like her husband very much, given what we know about women today. And he probably didn’t like her much either. I am sure there were just as many men when they first saw there “betrothed” thought, “Oh fuck, you have got to be shitting me. I have to marry this bitch?”

And in these dialogues, pure hypergamy is enforced and codified. The dialogues enforced class, at least enforced it for men. Men could try and love “up”, but most likely they couldn’t unless they displayed such extreme good character that their character was better than all of the available men in the class of the woman he was “hitting on”. But it also set a nice set of rules for women “move up”. But the women were the ones, in every case, to judge the men, the determine that even though the women were “moving” up, they still were to ones to say “OK, I’ll take you You are worthy of my love”.

And then it also codified acceptance for women to be able to “cheat” on their husbands. “Courtly Love” was only between people that were not married. They got around the 10 commandments, by stipulating that the true lover never asks for sex in return for his love. He loves merely for the purity of his love. And that the whole endeavor was supposed to remain entirely secret. That if it became public, then the “love” was dead. Over. At best he got a kiss, maybe an embrace. Gentlemen in the army of “love” never tell. And Gentlemen never demand sex. Which of course, all of this was bullshit. But since “Courtly Love” was “love” for “love”‘s sake then those husbands couldn’t get jealous, and nobody loves their husband anyway. So it gave a socially acceptable way for this woman that had this beta forced on her by marriage, then get out their and have exposure to the alphas that she truly wanted. And it gave her a social means to circumvent the church. And since everyone, at least everyone who mattered, was married to someone they didn’t like, then it was an early version of “Don’t ask; don’t tell”.

This also forms the basis of monogamy, as we know it, codified by women, in that the definition of it truly benefits women. “The true lover that truly loves only loves the one. He cannot love two. The sight of other women do not affect him because he has true love for his true love.” Notice that there are a lot of “he” and ‘his” words used. The book asserts that those men that would want sex with lots of women and have passion for someone other than “the one” under the guise of love is an an “ass”, mule, dressed up in the finest livery, but still an “ass”.

Schopenhauer said “Love! If you would have thought it up, your fellows would have thought you daft. The mere idea that because a woman allows you her favors, that you should support her for life.”

Well, it was thought up, by these women in the south of France, and it curled around and snaked its way into the current consciousness of people like it was something that people have done since the dawn of men. And it wasn’t.

When you read Capellanus’ statement of what “love” is, it is the seminal definition, the very “jump street”, the Genesis of the codification of “OneItis”. And when you read the dialogues, and then this list of the “Rules of Love” which is the part of the book that is most public, you see the fingerprint of the Feminine Imperative.

http://web.cn.edu/kwheeler/rules_of_love.html

I think at some point in my reading, someone had described Capellanus as being very “Copernican”,as in Copernicus, and astrology, threatening the religion and the concept of the world.

I say we use him again in a Copernican manner, as the very argument that the Feminine Imperative is an entirely contrived ideal.

And we reject “love”, as in the definition of it by Capellanus. We see it as the social manipulation that it was to orchestrate the emotions of men, and actions from those emotions, entirely for the benefit of women.

Churchill said “In England, it is permitted unless it is not permitted. In Germany, it is permitted only if it is permitted. In Russia, it is not permitted even if it is permitted. And in France, it is permitted, even when it is not permitted.”

To some degree that combination of all four “permitteds” describes the Feminine Imperative. It is permitted when they want it to be permitted and not permitted when they do not. Even if it is not permitted then it is permitted, if it is in the benefit of women. And especially, it is not permitted even when it is permitted, in the case where it might benefit men at the expense of women.

They only way to put a brunt on the Feminine Imperative is make them pay a cost for their behavior. And the best way for men to do that is the rejection of “love”.

In the words of YaReally, “The manosphere is the new counter-culture”.

We are the new “cool boys”. We are the new “rebels”.

And you need to read Capellanus, and as you read it, to see the manipulation in the pages. Maybe it was adopted because it had social value to blunt the negative behavior or the men of the time and turn it in a constructive direction.

But today it is only something that is used to provide advantage for women. And that advantage is often used at the expense of men, and furthermore, for the punishment of men, the social shaming of men, when women deem the men’s behavior or actions to be at the detriment of women. And they are allowed to be judge, jury, and executioner of their verdict. And no one ever challenges them.

And we begin by rejecting unilaterally, out of hand, “love” for the pack of lies it is.

So I say we use our position as influence peddlers, taste makers, of our day and time, and shame men, Mangina men, and White Knights as fools; toadies for women and their “love”. And make no mistake, that whole White Knight shit comes exactly from this book. We all should read “Treatise on Love”, deconstruct it, and expose it for the bullshit sham it is.

I have ranted this in the past. It is time for men to gain an entirely new consciousness, a new awareness, a entirely new set of constructivism abstracts on which to frame their thinking.

The constant whine, complaint, criticism of the manosphere is that is attacks “love”, it makes “love” impossible, it kills “love”.

And I say, no it doesn’t. It exposes the reality of the impossibility of “love” because “love” is entirely a manufactured ideal. And modern Feminism has brought about the recognition of the impossibility of it and rubbed it in the face of men. If you pine for it, it you whine about it, the end of it, the lack of it, then you deny the truth of it.

Modern life is entirely developed as a means to blunt the natural advantages that men have. This “love” is a further handicap, a weight on your shoulders, that limits your ability to use your advantage, physically, mentally, by women exploiting the emotional advantage that women have over men. She only has this advantage if you allow her to have it.

So discard it. It is religion in you that does not work to your advantage.

So yes, “They have a right to do anything that we can’t stop them from doing”.

But we have the capacity and the ability to make them pay for it.

In the end, and my life right now is living proof of this, they need us more than we need them. We want them; they need us. And the things that most women want, they get from us. And without the handicap of “love”, you can make them pay, and pay, and pay, until they fucking cry uncle.

The Feminine Imperative – Circa 1300

 

 

chivalry

A lot of shit got slung at me last week about making comparisons of chivalry being an antiquated social extension of the Feminine Imperative. I’ve written about the concept of chivalry and its impact on the intergender landscape of today, but as I read through certain select comments in Sanitizing the Imperative and after reading the misconception about chivalry on other blogs I felt the idea of chivalry deserved a bit more attention.

Over the course of my travails in the manosphere one common misperception I read a lot coming from well meaning red pill men, as well as the predictable blue pill white knight is this broken and romanticized notion of what chivalry means to them and should mean for everyone else expected to “play by the rules.” I originally touched upon the convenient use the modern Feminine Imperative has made in making appeals to anachronistic idealisms like chivalry and honor in The Honor System. I then revisited this in a bit more detail after the Concordia shipwreck with the women and children first debate even staunch jezebelers couldn’t resist in Chivalry vs. Altruism:

Chivalry is simply one of many ideologies that was subsumed by westernized romanticism. Chivalry also applied toward things such as not hitting a man while he wasn’t looking or attacking a blatantly undefendable, inferior or even a respected foe. It was originally intended as a code of etheics determined by the Roman Catholic church to control the otherwise lawless and violent natures of soldiers and knights who, understandably, had a tendency for brigandism in the middle ages. What passes for most people’s understanding of chivalry is actually a classic interpretation and bastardization of western romanticisim and the ideologies of ‘courtly love’, which ironically enough was also an effort by the women of the period intended to better control the men of the early and high Renaissance. Essentially it amounted to a taming of the over-dominating masculine influence of the time by laying out a system of prescribed appropriate conditions necessary to satisfy a womans access to her intimacy.

You’ll have to forgive me for indulging in a history lesson for today’s post, but it is necessary. What I find most common in men’s interpretation of chivalry is an almost Disneyesque mental return to knightly virtues of the past that only ever existed in films like Excalibur. My first amazement is that concept of romanticized chivalry have endured as long as they have. This is not due to some provable merit, but rather that the expectations of the more useful aspects of chivalry have benefitted the Feminine Imperative for so long that they’ve become ubiquitous expectations of men – even while coexisting beside a feminism that actively derides them.

So bear with me while we return to the foggy days of medieval Western Europe to search for the true roots of chivalry.

Origins of Chivalry

The year is around 1060 and over the last 100 years or so (i.e. the ‘dark ages’) a feudal system of moneyed landowners and their personal militias have made a mess of things. In spite of the best efforts of containment and control by the Holy Roman Empire, constant violence and sporadic wars amongst these small states have led to a breakdown in the fabric of society. Brigandism and outright barbarism are common amongst these militias – what they lacked was a common enemy, and what the church lacked was resources.

The Holy Roman Empire would provide that common enemy in the form of the Muslim (Moors) infidels to the south and a series of bloody crusades ensued. The Moors of course possessed the resources the church was desirous of, but the church lacked a cohesive social / religious order under which to unite the various militias they needed to process their crusades. Thus was born the code of chivalry.

This code appealed well to the martial pride of the evolving noble class, but further cemented the ideology into the commoners by pairing it with the religious doctrine of the era. The code was thus described as the Ten Commandments of chivalry:

  • Believe the Church’s teachings and observe all the Church’s directions.
  • Defend the Church.
  • Respect and defend all weaknesses.
  • Love your country.
  • Do not recoil before an enemy.
  • Show no mercy to the Infidel. Do not hesitate to make war with them.
  • Perform all duties that agree with the laws of God.
  • Never lie or go back on one’s word.
  • Be generous to everyone.
  • Always and everywhere be right and good against evil and injustice.

Not a bad code of ethics under which to unite factions who previously had little better to do than smash each other with maces and steal each other’s resources. It’s a difficult task to get a man to die for another man, but give him an ideology, and that he’ll die for.

The chivalric code worked surprisingly well for over three centuries and was instrumental in consolidating most of the countries that evolved into the Western Europe we know today. However, as with most ‘well intentioned’ social contracts, what originated as a simplistic set of absolute rules was progressively distorted by countervailing influences as time, affluence and imperatives shifted and jockeyed for control.

Courtly Love

For all of the influence that the church exerted in using chivalry as a social contract, it was primarily a contract played out amongst men. With the notable exceptions of a few select Queens and Jeanne d’Arc, it was only men who had any true social input either publicly or privately during this time. It wasn’t until the mid-thirteenth century that (noble) women would insert their own imperative into the concept of chivalry.

At the time, chivalry was a mans’ club, and unless she was a widow, women were more or less insignificant in the scope of chivalry. A nobleman might take a wife, but rarely were these marriages romantic in nature. Rather they served as political alliances between states (and often consolidating church control) and a man’s romantic and sexual interests were served by mistresses or the spoils of his conquests. In fidelity was expected in noble marriages.

Enter the French noblewomen Eleanor of Aquitaine and Marie de Champagne. Both of these Ladys were instrumental in attaching the concept of courtly love and romance to the chivalric code that we (somewhat) know today. The wealth and affluence that Western Europe enjoyed from the late medieval to the high renaissance provided the perfect environment into which high-born women were feeling more comfortable inserting their imperative.

Both of these noble women had a love for the traveling troubadours of the time, espousing acts of love and devotion as merits for a new aristocracy. Originally courtly love was a much more pagan ideal, but like the church had done centuries before, when ideologically fused to the chivalric code it gradually proved to be an amazingly effective source of social control over men.

In it’s earliest form, courtly love was much more salacious than the socially controlling device it evolved into:

Properly applied, the phrase l’amour courtois identified an extravagantly artificial and stylized relationship–a forbidden affair that was characterized by five main attributes. In essence, the relationship was

  • Aristocratic. As its name implies, courtly love was practiced by noble lords and ladies; its proper milieu was the royal palace or court.
  • Ritualistic. Couples engaged in a courtly relationship conventionally exchanged gifts and tokens of their affair. The lady was wooed according to elaborate conventions of etiquette (cf. “courtship” and “courtesy”) and was the constant recipient of songs, poems, bouquets, sweet favors, and ceremonial gestures. For all these gentle and painstaking attentions on the part of her lover, she need only return a short hint of approval, a mere shadow of affection. After all, she was the exalted domina–the commanding “mistress” of the affair; he was but her servus–a lowly but faithful servant.
  • Secret. Courtly lovers were pledged to strict secrecy. The foundation for their affair–indeed the source of its special aura and electricity–was that the rest of the world (except for a few confidantes or go-betweens) was excluded. In effect, the lovers composed a universe unto themselves–a special world with its own places (e.g., the secret rendezvous), rules, codes, and commandments.
  • Adulterous. ”Fine love”–almost by definition–was extramarital. Indeed one of its principle attractions was that it offered an escape from the dull routines and boring confinements of noble marriage (which was typically little more than a political or economic alliance for the purpose of producing royal offspring). The troubadours themselves scoffed at marriage, regarding it as a glorified religious swindle. In its place they exalted their own ideal of a disciplined and decorous carnal relationship whose ultimate objective was not crude physical satisfaction, but a sublime and sensual intimacy.
  • Literary. Before it established itself as a popular real-life activity, courtly love first gained attention as a subject and theme in imaginative literature. Ardent knights, that is to say, and their passionately adored ladies were already popular figures in song and fable before they began spawning a host of real-life imitators in the palace halls and boudoirs of medieval Europe. (Note: Even the word “romance”–from Old French romanz–began life as the name for a narrative poem about chivalric heroes. Only later was the term applied to the distinctive love relationship commonly featured in such poems.)

Last week Dalrock had an outstanding summation of romantic love – Feral Love – that got lost amongst his other posts. This is unfortunate because virtually every thing he brings to light here finds its roots in exactly the romanticized courtly love rituals outlined above. What we consider acts of romance today, what we consider our chivalric duties to uphold in their regard, are all the results of a 13th century feminine imperative’s attempts to better effect women’s innate (and socially repressed) hypergamy. When we think of noble acts of self-sacrifice for women this is where the origins are. One of the more cruel acts of devotion a ‘lover’ may ask of her paramours was to bleed themselves for her; capturing the blood in a vessel after slicing his foram and comparing the amount therein.

In the doldrums of a well provided-for existence, women will actively create the elusive indignation they need to feel alive. The women of the early courts were effectively perfecting the art of maintaining a bullpen of beta orbiters willing to address all of her unmet emotionalism while being fucked raw by their badboy knights to sire royal Alpha children when they returned from campaigns. The courtly love practices of the 13th century served the same purpose for women as Facebook does today –attention – balancing the Alpha seed with the beta need.

Feminism 1.0

As I wrote in last week’s installment, while the Feminine Imperative remains the same, its social extensions for exerting itself change with conditions and environment it finds itself in. There’s been some recent discussion in the manosphere that feminism can only exist in an affluent society that provides sufficient internal social controls to protect the extensions of the Feminine Imperative. For instance, while Slut Walks may be encouraged in Sweden, there are very few in Egypt at the moment. One socioeconomic environment supports the expresion of the imperative, the other does not.

The concept of chivalry, in its original, intent was the result of a social control in an otherwise lawless environment. Later, when affluence accumulated and an upper class evolved, so too do the social extensions of the Feminine Imperative.

Fusing the philosophy and rituals of courtly love with the chivalric code was one such extension of the time – and a more enduring one I’ll add. The major failing most White Knights and moralistically leaning red pill men have today is understanding that the modern concept of chivalry, and all their feel-good Arthurian idealism bastardized for the last millennia, sprang from the want of a more exercisable hypergamy for the women of the era.

It should then come as no shock that the old model of romanticized chivalry would conflict with the more overt social extension of today’s feminism. A want for that old, socially coerced, masculine devotion clashes with the ‘do-it-yourself’ feminism of today.

Rise of courtly love

The Rise of Courtly Love: Courtly Love and Cultural Influence
By Brandy Stark

Courtly_love_1

History and origin:

The term amour courtois (courtly love) was given its original definition by Gaston Paris in 1883. In an article on Medieval behaviors, he proposed that the “lover” accepts the independence of his mistress and tries to make himself worthy of her by acting bravely and honorably and by doing whatever deeds she might desire. Sexual satisfaction was not necessarily the goal or even end result, though sexual attraction could be a part of courtly love.

  • Though not directly addressed in Medieval writing, other terms, such as fin’amor (fine love) and other terms and phrases associated with “courtliness” and “love” are common throughout the Middle Ages.
  • Given that practices similar to courtly love were already prevalent in the Islamicate world, it is very likely that Islamicate practices influenced the Christian Europeans.
  • In 11th-century Spain, a group of wandering poets appeared who would go from court to court, and sometimes travel to Christian courts in southern France.

Definition:

Courtly love was the study of the bonds of humankind. It brought the elements of theological study into the secular mindset as the emotion of love combined with rational, critical thought. The eleventh century foundations of courtly love were, at first, a conception of love that defined friendship; love was seen as recognizing the virtue in another human being. It was also an ethical behavior, grace, and thought which aimed at the cultivation of virtue in the whole of mankind (Jaeger, 1994).

It found expression through the troubadours such as William IX, Duke of Aquitaine, in the 11th century. Sample of his writing:

I have given up all I loved so much:
chivalry and pride;
and since it pleases God, I accept it all,
that He may keep me by Him.
I enjoin my friends, upon my death,
all to come and do me great honour,
since I have held joy and delight
far and near, and in my abode.
Thus I give up joy and delight,
and squirrel and grey and sable furs.

Similar to a cult of friendship, writings document concern for the wellness of the reputation and standing among women. They also encourage men to forgo arrogance and to continue the study of how to win virtue.

One of its most important contributions was the elevation of the status of women. Eventually, courtly love evolved to the literature of leisure, directed to a largely female audience for the first time in European history.

How it worked: Poets declared themselves the servant/vassal of the lady and addressing her as midons (my lord), thus not revealing her name, and flattering her at the same time. The troubadour’s model of the ideal lady was the wife of his employer or lord, a lady of higher status, usually the rich and powerful female head of the castle. The poet gave voice to the aspirations of the courtier class, for only those who were noble could engage in courtly love (or could be engaged with higher education).

Other behaviors included:

courtly_love_5

  • Announcing his attraction to the lady, usually via eyes/glance
  • Worship of the lady from afar
  • Declaration of passionate devotion
  • Virtuous rejection by the lady
  • Renewed wooing with oaths of virtue and eternal fealty
  • Moans of approaching death from unsatisfied desire (and other physical manifestations of lovesickness)
  • Heroic deeds of valor which win the lady’s heart
  • (Literarily speaking): Consummation of the secret love
  • (Literarily speaking): Endless adventures and subterfuges avoiding detection

.Courtly love saw a woman as an ennobling spiritual and moral force, a view that was in opposition to ecclesiastical sexual attitudes. Rather than being critical of romantic and sexual love as sinful, the poets praised it as the highest good. Marriage had been declared a sacrament of the Church at the Fourth Lateran Council (1215). Within Christian marriage the only purpose of sex was for procreation; the ideal state was celibacy, even in marriage. This may not have been hard to maintain as most marriages were arranged as part of the business/guild/and feudal system. This, then, allowed a man who was interested in a woman to aspire for her under chaste circumstances, seeking her first for her virtue. She was the unattainable ideal (a role that we also see with the Virgin Mary, who was also heavily promoted at this time).

Some of the finest writing can be found in the old French love lyrics from the early twelfth century. Women were portrayed as teachers of love offering instruction in virtue, and men were their students. The women of these poems taught that a lover must show generosity through acts of charity, particularly to impoverished nobles. He must be humble to all and ready to serve all. He must never speak ill of anyone, but where he sees evil men, he should discreetly reprove their bad behavior. He should never mock someone in distress. He should not be prone to quarrels and arguments, but rather should strive to reconcile disputes and arguments. Lastly, showing the depth of his cultivation, he should moderate his laughter, especially in the presence of women. These poems show the core of courtly learning: humility, generosity, gentleness, deference, and kindness. Virtually none of the lessons would have been out of place n the moral discipline of the schools, as passed from school master to student. The emphasis in these writings remains the aspect of manifesting virtue through behavior in order to make it visible (Jaeger, 1994).

As an example, read: DE ARTE HONESTE AMANDI [The Art of Courtly Love], Book Two: On the Rules of Love By: Andreas Capellanus: The Art of Courtly Love, (btw. 1174-1186) (exerted through the Medieval Sourcebook, url below):

1. Marriage is no real excuse for not loving.
2. He who is not jealous cannot love.
3. No one can be bound by a double love.
4. It is well known that love is always increasing or decreasing.
5. That which a lover takes against his will of his beloved has no relish.
6. Boys do not love until they arrive at the age of maturity.
7. When one lover dies, a widowhood of two years is required of the survivor.
8. No one should be deprived of love without the very best of reasons.
9. No one can love unless he is impelled by the persuasion of love.
10. Love is always a stranger in the home of avarice.
11. It is not proper to love any woman whom one should be ashamed to seek to marry.
12. A true lover does not desire to embrace in love anyone except his beloved.
13. When made public love rarely endures.
14. The easy attainment of love makes it of little value; difficulty of attainment makes it prized.
15. Every lover regularly turns pale in the presence of his beloved.
16. When a lover suddenly catches sight of his beloved his heart palpitates.
17. A new love puts to flight an old one.
18. Good character alone makes any man worthy of love.
19. If love diminishes, it quickly fails and rarely revives.
20. A man in love is always apprehensive.
21. Real jealousy always increases the feeling of love.
22. Jealousy, and therefore love, are increased when one suspects his beloved.
23. He whom the thought of love vexes, eats and sleeps very little.
24. Every act of a lover ends with in the thought of his beloved.
25. A true lover considers nothing good except what he thinks will please his beloved.
26. Love can deny nothing to love.
27. A lover can never have enough of the solaces of his beloved.
28. A slight presumption causes a lover to suspect his beloved.
29. A man who is vexed by too much passion usually does not love.
30. A true lover is constantly and without intermission possessed by the thought of his beloved.
31. Nothing forbids one woman being loved by two men or one man by two women.

Sources:

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-Delahoyde, M. “Courtly Love” http://www.wsu.edu/~delahoyd/medieval/love.html, as retrieved July 7, 2007.
-Halsall, P. (1997) “Medieval Sourcebook: Andreas Capellanus: The Art of Courtly Love, (btw. 1174 –1186)” http://www.fordham.edu/halsall/source/capellanus.html, as retrieved July 7, 2007.
-Jaeger, S. (1994). The Envy of angels: Cathedral schools and social ideals in Medieval Europe, 950 – 1200. Philadelphia, PA: University of Pennsylvania Press.
-Schwartz, D. (2002) “Medieval Literature,” http://cla.calpoly.edu/~dschwart/engl203/margery203.htmlas retrieved July 7, 2007.

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